Le « Dry January », introduit en 2013 au Royaume-Uni, est une campagne encourageant à interrompre ou réduire sa consommation d’alcool durant le mois de janvier.

Adoptée depuis par une dizaine de pays, cette initiative a connu un succès croissant au fil des années, impliquant 8 % de la population adulte au Royaume-Uni et 23 % aux États-Unis en 2019, rapporte Adrien Laurent, maître de conférences à l'Université Paris Dauphine, sur The Conversation France.

En France, selon les associations organisatrices, la campagne, qui se tient pour la première année, aurait initialement dû être portée par l’Etat, rapporte-t-il. Santé Publique France avait proposé d’importer le « Dry January » en le renommant « Mois sans alcool ». Mais le président Emmanuel Macron s’y est opposé.

Les associations accusent les autorités sanitaires, précise Le Figaro, d’y avoir renoncé mi-novembre, après une rencontre entre Macron et les producteurs de champagne. Les acteurs associatifs et de santé ont alors décidé de maintenir la campagne sans le soutien des pouvoirs publics, la renommant « Défi de janvier ».

Les membres du collectif interassociatif impliqués sont diversifiés : associations et fédérations d’addictologie (Fédération Addiction, FFA, ANPAA, SFA), de santé (Ligue contre le cancer, AIDES, UNIOPSS), de patients (France Assos Santé, FPEA), étudiantes (FAGE), d’entraide (CAMERUP), de médecins (Collège des médecins généralistes, AJPA) ou encore associations de lutte contre les exclusions (Fédération des acteurs de la solidarité).

« Le Défi de janvier ne concerne pas les personnes alcoolodépendantes pour lesquelles tout sevrage doit se faire dans le cadre d’un suivi médical », est-il souligné.

Les études portant sur les bénéfices liés au « Dry January » dans les pays l’ayant mis en œuvre sont rares, rapporte Adrien Laurent.

En 2015, l’équipe de Richard de Visser de l’Université du Sussex (Royaume-Uni) a questionné 857 personnes ayant participé au « Dry January » (jusqu’à son terme ou en partie), un mois et six mois après cette période d’abstinence. Six mois après le Défi, les participants avaient réduit leur consommation d’alcool. Ces travaux ont également remis en cause l’idée d’un « effet rebond », souvent évoqué, selon lequel la consommation des participants redoublerait au lendemain de ce mois d’abstinence.

La majorité des participants a aussi rapporté avoir perçu des effets immédiats, parmi lesquels l’amélioration de leur sommeil, de la qualité de leur peau, ou encore une meilleure capacité de concentration et une perte de poids. D’autres études devront encore confirmer ces effets positifs.

La défection des pouvoirs publics en France « est révélatrice de l’intense opposition de l’industrie de l’alcool à cette initiativ », décrit Adrien Laurent. « La controverse a mis sur le devant de la scène la filière vitivinicole. Le vin représente 58 % de la consommation des Français en équivalent alcool pur. »

Il n’est « pas anodin que ce soit par sa voix qu’a été rendu public l’abandon du Mois sans Alcool, le 14 novembre dernier ».

« À l’image de l’industrie du tabac par le passé, les alcooliers recourent à des stratégies de mobilisation politique variées : lobbying visant à l’assouplissement des restrictions envers les publicités pour les boissons alcoolisées, production d’une expertise ciblant les décideurs politiques ou le grand public (en particulier autour des bienfaits du vin pour la santé), etc.

La stratégie des industriels de l’alcool s’appuie aussi sur l’investissement des politiques et préoccupations de santé. Ainsi, à la fin des années 1990, en France, des psychiatres hospitalo-universitaires et des neurobiologistes se sont mobilisés pour rapprocher les politiques de lutte contre l’alcoolisme, la toxicomanie et le tabagisme, faisant émerger une nouvelle discipline médicale : l’“addictologie”. Inquiets de voir que cette vision trouvait écho auprès des pouvoirs publics, les producteurs d’alcool se sont mobilisés afin de réduire les attributions de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies (MILDT) en matière de la lutte contre l’alcoolisme, évitant ainsi l’assimilation de l’alcool aux autres toxiques.

Les alcooliers organisent également des campagnes de communication autour du message de la modération. L’association “Avec modération” promeut par exemple une autorégulation des producteurs au travers d’un code d’autodiscipline. Stéphane Foucart, journaliste au quotidien Le Monde, rappelait également récemment leur rôle dans la définition du désormais célèbre message de prévention routière “Celui qui conduit, c’est celui qui ne boit pas”. Comme le souligne Stéphane Foucart, cette formulation sous-entend “que tous les autres boivent, nécessairement”. »

« La consommation d’alcool est une pratique éminemment liée à des usages et à des normes socialement acceptés, donc rarement remis en question. Les récentes tribunes s’opposant au “Dry January” s’inscrivent d’ailleurs dans l’imaginaire – en partie fantasmé – qui légitime les produits alcoolisés par leur rôle dans la sociabilité, la liberté, la tradition ou le patrimoine français. »

Site de la campagne : Dry January - #LeDéfiDeJanvier.

En mars 2018, des médecins répliquaient au président Macron : Vu du foie, le vin est bien un alcool comme un autre, répliquent 9 médecins à Macron.

Pour plus d'informations sur l'alcool et la santé, voyez les liens plus bas.

Psychomédia avec sources : The Conversation France, Le Figaro.
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