Cela fera bientôt un an que Jessica Starr, une météorologue vedette de la télé de Détroit, s'est enlevé la vie, en raison, selon son mari, des complications liées à sa récente chirurgie réfractive au laser, souligne Langis Michaud, professeur à l'École d'optométrie de l'Université de Montréal sur le site The Conversation.

De telles complications ne sont pas aussi rares qu'on le pense, écrit-il.

Récemment, une demande d’action collective a été déposée au Canada contre l’entreprise québécoise Lasik MD. On lui reproche de ne pas avoir bien prévenu ses clients des risques associés à l’opération.

« La chirurgie réfractive au laser vise à modifier le profil de la cornée, partie avant et claire de l'œil, pour corriger des problèmes courants de la vision : myopie, hypermétropie et astigmatisme. L'idée est de ne plus avoir besoin de lunettes. Introduite en 1983, en Allemagne, la première procédure nord-américaine a été effectuée en 1985. Depuis, des millions ont été exécutées. »

La technique LASIK (laser in situ keratomileusis) a été développée dans les années 90. Le « laser est appliqué une fois qu'un clapet de tissu, généré en incisant la cornée à l'aide d'un petit rabot muni d'une lame, est soulevé. Le clapet est ensuite replacé, sans nécessiter de sutures ».

« Les incidents graves après un Lasik ne surviennent que dans 0,1 % des cas », rapporte l'auteur. « Mais diverses complications affectent entre 10 et 30 % des patients opérés, en comparaison avec un taux de 7,7 % après une chirurgie de cataractes.

Si la majorité des complications sont mineures et n'entraînent pas de conséquences permanentes, un certain nombre de patients vivent toutefois des problèmes visuels et/ou une douleur postopératoire intense de façon chronique, au point où un ancien expert de la FDA, Morris Waxler, demande le rappel et une suspension de son usage avant de nouvelles enquêtes sur la sécurité. »

Santé Canada liste plusieurs effets potentiels sérieux du Lasik, mentionne l'auteur.

« La cornée opérée par laser a été traumatisée et elle doit récupérer pour rétablir sa fonction normale », explique le professeur. « Dans le cas du Lasik, on coupe la cornée au niveau des nerfs sensitifs. Ils assurent la protection de l'œil, mais également la rétroaction (biofeedback) nécessaire à la production de nouvelles larmes.

En absence de cette rétroaction, l'œil s'assèche et sa surface peut se dégrader. Dans la majorité des cas, les nerfs coupés vont retrouver une fonction normale dans les quatre à six mois. Mais pour un nombre certain de patients, l'épisode tourne au cauchemar. »

L'auteur rapporte le cas de Karen (nom fictif) dont, dans les jours et les semaines suivant la chirurgie, les yeux faisaient de plus en plus mal. Douleur intense (des couteaux dans les yeux), rougeur, sensibilité à la lumière (elle devait porter des lunettes solaires même à l'intérieur), difficultés à dormir, etc.

Se faisant dire par les professionnels que ses yeux étaient guéris et que tout allait bien, elle souffrait en fait de neuropathie, une atteinte des nerfs périphériques qui causent des symptômes, sans qu'ils soient associés à une pathologie visible.

« À la suite du LASIK, les nerfs de la cornée demeurent endommagés de façon permanente (comme des fils électriques dénudés), ou ils se régénèrent, mais en établissant de mauvaises connexions. Dans les deux cas, les nerfs envoient au cerveau un signal constant de douleur.

Après quelques semaines/mois, la douleur devient internalisée (comme une douleur émanant d'un membre fantôme) et le cerveau participe donc à rendre les symptômes chroniques. Comme personne ne comprend vraiment cette atteinte, les patients sont rejetés et la dépression s'installe à mesure que la condition s'aggrave.

L'incompréhension de ce cas vient du fait que c'est un champ nouveau en médecine oculaire, peu documenté en littérature scientifique. Les traitements sont complexes et demandent beaucoup de temps. »

Traitements que l'auteur décrit brièvement.

Certaines précautions peuvent être prises

  • Avant de décider de se faire opérer

    « Il faut tout d'abord éviter de décider sur un coup de tête. Prenez l'information d'abord auprès de votre professionnel de la vue, celui qui connaît vos yeux depuis longtemps. Ensuite, obtenez au moins deux opinions avant de procéder, dans des centres différents et évaluez l'accueil et le lien de confiance ressenti. »

  • Certains facteurs de risque peuvent réduire l'efficacité de l'intervention.

    • « Ainsi, plusieurs patients optent pour la chirurgie car ils deviennent intolérants aux lentilles cornéennes, avec sensation d'inconfort et de sécheresse en fin de journée. Si c'est le cas, c'est que l'œil est déjà sujet à la sécheresse : la chirurgie ne fera que l'augmenter ! Il faut donc consulter son optométriste afin de traiter cette sécheresse AVANT l'opération et attendre que la surface de l'œil soit prête pour l'opérer.

    • Les patients qui souffrent de maladies inflammatoires chroniques devraient s'abstenir de procéder à une chirurgie réfractive (fibromyalgie, syndrôme du colon irritable, Crohn, lupus, arthrite rhumatoïde, etc.). De même, les personnes souffrant de diabète ou de migraines fortes et chroniques sont considérées comme de mauvais candidats. Finalement, les personnalités de type obsessif-compulsif devraient également s'abstenir. Par exemple, ils pourraient avoir le réflexe de frotter leurs yeux de façon violente, ce qui peut déloger le clapet de tissu.

    • Les fortes myopies (>8D) de même que les patients qui ont de grandes pupilles (partie noire de l'œil >5 mm) sont sujets à la perception continuelle de halos et d'éblouissement après la chirurgie, ce qui est très dérangeant. »

  • Après l'opération

    « Une fois opéré, il faut s'assurer d'un suivi professionnel adéquat : exigez de voir un optométriste ou un ophtalmologiste à chaque occasion. Le personnel d'assistance, même formé adéquatement, n'est pas légalement autorisé à effectuer les diagnostics de votre condition (dire que tout va bien est un diagnostic en soi !). Ne jamais négliger des examens périodiques du reste de la santé oculaire est également important : un fort myope, même opéré, demeure toujours à risque de déchirure de la rétine ! »

Sur The Conversation : Chirurgies réfractives au laser : quand ça vire au cauchemar.

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