Luc Ferry, philosophe français et ancien ministre de l’Education nationale (2002-2004) dans les années Jacques Chirac, vient de publier « La révolution transhumaniste : Comment la technomédecine et l'uberisation du monde vont bouleverser nos vies » (Plon, 7 avril 2016).

Nous vivons une troisième révolution industrielle dont deux retombées majeures, l’une du côté de la technomédecine, l’autre du côté de l’économie dite collaborative « vont bouleverser le monde davantage dans les cinquante ans qui viennent que dans les cinq mille ans qui précèdent », a déclaré l'auteur dans une entrevue avec le journaliste Luc Debraine pour l'Hebdo.

Ces deux retombées sont inséparables. « Sans les big data, l’internet des objets, la robotique et l’intelligence artificielle, il n’y aurait ni Uber ni transhumanisme. J’ai voulu mettre ce lien au jour, dans mon livre, pour qu’on comprenne enfin les enjeux multiples de cette révolution. »

Le mouvement du transhumanisme, qui a pris une importance considérable aux Etats-Unis, a-t-il expliqué, « entend passer d’une médecine thérapeutique classique – dont la finalité depuis des millénaires était de soigner, de réparer – au modèle de l’augmentation du potentiel humain. »

Le transhumanisme « a l’ambition de combattre le vieillissement et même de parvenir à augmenter la longévité humaine, non seulement en éradiquant les morts précoces, comme ce fut le cas depuis le XIXe siècle, mais en recourant à la technomédecine, voire à l’ingénierie génétique. Pour le moment, rien de réel ne prouve que c’est possible pour l’homme, même si ça l’est pour les souris transgéniques de l’Université de Rochester, mais Google a déjà investi des centaines de millions de dollars dans le projet. Il s’agit aussi de corriger volontairement la loterie génétique, qui distribue injustement les qualités naturelles et les maladies. C’est là ce que signifie le slogan transhumaniste "From chance to choice" : passer du hasard aveugle au choix éclairé. »

Voici le résumé de l'auteur en quatrième de couverture :

« Ne croyez surtout pas qu'il s'agisse de science-fiction : 18 avril 2015, une équipe de généticiens chinois entreprenait d'"améliorer" le génome de quatre-vingt-trois embryons humains.

Jusqu'où ira-t-on dans cette voie ? Sera-t-il possible un jour (bientôt ? déjà ?) d'"augmenter" à volonté tel ou tel trait de caractère de ses enfants, d'éradiquer dans l'embryon les maladies génétiques, voire d'enrayer la vieillesse et la mort en façonnant une nouvelle espèce d'humains "augmentés" ?

Nous n'en sommes pas (tout à fait) là, mais de nombreux centres de recherche "transhumanistes" y travaillent partout dans le monde, avec des financements colossaux en provenance de géants du Web tel Google. Les progrès des technosciences sont d'une rapidité inimaginable, ils échappent encore à toute régulation.

En parallèle, cette "infrastructure du monde" qu'est le Web a permis l'apparition d'une économie dite "collaborative", celle que symbolisent des applications comme Uber, Airbnb ou BlaBlaCar.

Selon l'idéologue Jeremy Rifkin, elles annoncent la fin du capitalisme au profit d'un monde de gratuité et de souci de l'autre. N'est-ce pas, tout à l'inverse, vers un hyperlibéralisme, vénal et dérégulateur, que nous nous dirigeons ?

Certaines perspectives ouvertes par les innovations technoscientifiques sont enthousiasmantes, d'autres effrayantes. Ce livre cherche d'abord à les faire comprendre, et à réhabiliter l'idéal philosophique de la régulation, une notion désormais vitale, tant du côté de la médecine que de l'économie. »

Luc FERRY

Psychomédia avec sources : Plon, L'Hebdo.
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