Près de 300 professeurs d’université pressent le ministre québécois de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, de ne pas aller de l’avant avec le projet de loi 70 de réforme de l'aide sociale et de ne pas imposer de pénalités aux prestataires qui refuseront de se plier à son nouveau programme d’insertion à l’emploi.

Le projet de loi 70 prévoit que ceux qui refuseraient de participer au nouveau programme « Objectif emploi » pourraient voir leur chèque réduit à 400 $. Avec le crédit d’impôt à la solidarité de 103 $, ils s’en tireraient avec un revenu mensuel d’environ 500 $.

« Aller dans cette direction-là, ça va à l’encontre de ce qu’on observe dans la recherche en matière de politiques publiques de l’emploi. On va complètement à l’encontre de ce qu’il faudrait faire », explique l’économiste Sylvie Morel du département des relations industrielles de l’Université Laval, dont Le Devoir rapporte les propos.

Les professeurs viennent de toutes les universités du Québec. La liste inclut notamment l’économiste Louis Gill de l’UQAM, l’auteur Alain Deneault qui est chargé de cours à l’UQAM, le professeur de droit François Crépeau de l’Université McGill, et Michel Seymour du Département de philosophie de l’Université de Montréal, Paul-André Lapointe, professeur en relations industrielles à l’Université Laval.

« C’est comme si on considérait que ces personnes-là se retrouvent sur l’aide sociale à cause de choix qu’ils ont faits ou en raison de caractéristiques personnelles », déplore ce dernier. Entre 40 et 45 % des nouveaux demandeurs d’aide sociale sont des gens qui ont perdu leur emploi, indique-t-il. « En les contraignant à accepter n’importe quel emploi, on perpétue la pauvreté, la misère dans laquelle ils vivent. »

C'est à l'initiative du Collectif pour un Québec sans pauvreté que les enseignants se joignent au débat. Il a contacté quelques professeurs il y a deux semaines en espérant obtenir une cinquantaine d’appuis. Or, dimanche, la liste comptait 280 noms.

M. Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif, souligne qu’à l’exception des mesures punitives, le projet de loi ne déplaît pas à son organisme. Ce dernier prévoit que les nouveaux demandeurs d’aide sociale doivent se soumettre à un « plan d’intervention » d’au moins un an avec un « accompagnement personnalisé ». Ils auraient le choix entre trois scénarios : la recherche d’emploi, une formation ou « l’acquisition de compétences ».

Avant son entrée en politique, le ministre Blais était le doyen de la faculté des sciences sociales de l’Université Laval. Ses anciens collègues, rapporte Le Devoir, s’expliquent mal l’apparent écart entre ses travaux de recherches et les politiques qu’il essaie maintenant de mettre en place. « M. Blais a écrit un ouvrage sur l’allocation universelle où il mettait de l’avant l’importance de respecter la dignité des personnes, de ne pas avoir une démarche coercitive, mentionne Sylvie Morel. On comprend mal comment il peut agir en ce sens-là. » Cet ouvrage était « dans une perspective libérale » et mettait l’allocation universelle en avant pour « permettre l’abolition progressive de programmes comme l’assurance-emploi », précise-t-elle.

On ignore si les libéraux auront le temps de soumettre le projet de loi à un vote avant la fin de la présente session parlementaire. En commission parlementaire, les désaccords de l'opposition portent presque exclusivement sur les pénalités.

La semaine dernière, une coalition d’organismes œuvrant auprès des jeunes, la Coalition interjeunes est intervenue, elle aussi, pour demander au ministre de retirer ces sanctions. Elle s’est toutefois réjouie de certains amendements apportés récemment, dont le supplément de 260 $ qui serait attribué aux jeunes qui reprendraient leurs études.

Illustration : source : Collectif pour un Québec sans pauvreté.

Psychomédia avec source : Le Devoir.
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