Le lithium, sous forme de sels, s’est installé depuis les années 1970 comme le principal traitement « thymorégulateur » (ou régulateurs de l’humeur) dans le traitement du trouble bipolaire.

En cette période de pandémie, ses propriétés anti-inflammatoires et antivirales ont particulièrement suscité de l’intérêt dans la communauté scientifique, rapporte Marion Leboyer, professeure de Psychiatrie (Hôpitaux Henri Mondor, Université Paris Est Créteil, Inserm) sur le site The Conversation France.

Les sels de lithium sont utilisés pour le traitement des épisodes dépressifs ou maniaques des troubles bipolaires et la prévention des rechutes. Leur rôle bénéfique sur la plasticité neuronale découlerait de leur capacité à améliorer la communication entre les neurones.

Un effet antiviral du lithium

De nombreuses études ont suggéré que les sels de lithium pouvaient bloquer le cycle de réplication de plusieurs virus, dont certains coronavirus, rapporte la professeure. Dès 1979, des chercheurs avaient montré que des patients bipolaires infectés par le virus de l’herpès et traités avec du lithium présentaient des signes de rémission clinique.

Les données les plus récentes indiquent que l’effet antiviral du lithium est particulièrement marqué sur les virus à ARN et ADN.

Un éventuel effet antiviral de certains antidépresseurs

Plusieurs travaux publiés depuis le début de la pandémie ont déjà fait état d’un éventuel effet protecteur de plusieurs antidépresseurs, dont la fluoxétine (Prozac) et la fluvoxamine (Luvox). Les données scientifiques sont encore toutefois insuffisantes, et l’agence du médicament française exclut pour le moment la Fluvoxamine de l’arsenal thérapeutique de lutte contre le COVID.

D’autres travaux semblent mettre en évidence des effets négatifs pour d’autres traitements (comme la Clozapine, un antipsychotique utilisé dans le cas de schizophrénie, qui semble aggraver le pronostic en cas de COVID).

Une diminution du risque

Les travaux de l'équipe de Mme Leboyer, qui ont été publiés en mars 2022 dans The British Journal of Psychiatry, sont les premiers à apporter des données concluantes, issues de la « vie réelle », indiquant que la prise de lithium à dose thérapeutique est associée à un risque réduit d’être infecté.

L'équipe a étudié les données concernant 26 554 personnes, issues d’une large base de données anonymisées américaines. Ils disposaient pour ces personnes d’informations relatives à leurs niveaux sanguins de lithium ainsi qu’à des diagnostics de COVID-19 et/ou des résultats de tests PCR.

Les personnes prenant du lithium avaient un risque plus faible d’avoir eu un diagnostic de COVID-19 et un test PCR positif. Et ce indépendamment de leur diagnostic de trouble psychiatrique ou de leur statut vaccinal.

L'échantillon de personnes traitées avec du lithium était néanmoins trop faible pour déterminer si le médicament avait un effet bénéfique pour réduire le risque de formes graves chez les patients infectés par le SARS-CoV-2. Toutefois, une incidence plus faible de la maladie telle que constatée dans l'étude est probablement associée à un risque moindre de complications.

Une explication du phénomène

Les mécanismes expliquant les effets antiviraux du lithium ne sont pas encore élucidés. Cependant, quelques pistes se dessinent : des études in vitro ont indiqué que ce médicament inhibe la réplication de l’ARN du virus.

Les chercheurs ont aussi trouvé que les effets du lithium sont particulièrement puissants sur le SARS-CoV-2 mais moins sur d’autres virus respiratoires : ce qui suggère des mécanismes biologiques propres à ce coronavirus.

« S’il n’est pas envisageable de repositionner le lithium comme un médicament accessible à la population générale pour lutter contre le COVID-19, du fait de ces effets secondaires (hypothyroïdie, tremblements, problèmes rénaux…) », ces « résultats doivent être mis dans la balance au moment où un clinicien évalue les risques et les bénéfices de prescrire ce traitement à des patients atteints de troubles bipolaires, particulièrement fragiles en période de pandémie », conclut la chercheuse. (Effets secondaires du lithium et recommandations, selon une analyse de 400 études)

Pour plus d'informations sur le trouble bipolaire, voyez les liens plus bas.

Voyez également :

Psychomédia avec sources : The Conservation France, British Journal of Psychiatry.
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