Comment les gens ont-ils tendance à penser dans des situations de prise de décison qui impliquent un certain niveau de risque ? Par exemple, s'ils se demandent s'ils doivent quitter un emploi confortable pour un autre qui paie davantage mais qui est moins sécure, s'ils doivent subir une chirurgie qui peut prolonger leur vie mais représente un risque de mortalité ou encore s'ils doivent investir dans une compagnie prometteuse malgré le risque de perdre l'investissement.
Selon la « théorie des perspectives » du psychologue Daniel Kahneman, lauréat du prix Nobel d'économie 2002, une caractéristique importante de la pensée dans ces situations est l'« aversion de la perte ». Quand les gens considèrent des actions futures, ils sont plus sensibles aux pertes qu'aux gains potentiels. La plupart des gens seraient ainsi environ deux fois plus sensibles aux pertes possibles qu'aux gains.

Des psychologues de l'Université de Californie à Los Angeles ont confirmé cette théorie dans une recherche examinant, au moyen d'imagerie cérébrale (scan), l'activité du cerveau dans des situations de prise de décision risquée.

Seize étudiants dans la vingtaine participaient à cette recherche. Ils recevaient 30 $ et devaient décider s'ils acceptaient ou refusaient diverses propositions impliquant des probabilités de 50 % de gagner de l'argent supplémentaire ou d'en perdre.

Un exemple de proposition était de jouer à pile ou face avec des possibilités de gagner 30 $ et de perdre 20 $.

En moyenne, les participants devaient se faire offrir une chance de gagner 19 $ pour un risque de perdre 10 $ pour accepter la proposition.

Ce montant variait toutefois beaucoup entre les participants. L'un d'eux a dû se faire offrir une possibilité de gagner 60 $ pour risquer de perdre 10 $ tandis qu'un autre n'a eu besoin que d'une possibilité de gagner 11 $ pour risquer de perdre 10 $.

La tolérance au risque des participants était prévisible en analysant l'activité de leur cerveau.

« En regardant comment le cerveau répond aux gains et aux pertes potentiels, il est possible de prédire l'aversion d'une personne pour le risque dans ses décisions et de prédire ses comportements » expliquent les auteurs Russell Poldrack et Craig Fox, chercheurs en psychologie.

Penser à la possibilité de gagner de l'argent active certaines des régions qui sont celles activées par la cocaïne, le chocolat ou une belle figure, explique Poldrack. Ces régions sont appelées les « centres de la récompense » et incluent le cortex préfrontal et le striatrum ventral.

Penser à la possibilité de perdre de l'argent, amène plutôt une désactivation de ces régions.

Un résultat surprenant de la recherche était qu'à mesure que les montants des pertes potentielles augmentaient, les parties du cerveau impliquées dans la peur et l'anxiété, telles que l'amygdale et l'insula, n'étaient pas activées. Par contre le niveau de désactivation des « centres de la récompense » augmentait.

Ainsi, puisque la réaction est plus grande pour les pertes que pour les gains, la désactivation de cette région du cerveau est plus importante pour une perte possible de 100 $ que l'activation pour un gain de 100 $.

Autre résultat, les gens qui étaient les plus facilement volontaires pour jouer à pile ou face, étaient aussi ceux qui semblaient, d'après l'activité de leur cerveau, réagir le moins à mesure que les gains possibles augmentaient. Alors que ceux qui étaient les moins portés à jouer étaient ceux qui réagissaient le plus à mesure que les gains et les pertes possibles augmentaient.

Le biais cognitif d'« aversion de la perte » est évoqué, par exemple, pour expliquer certaines décisions irrationnelles et non rentables que les acteurs des marchés financiers peuvent avoir tendance à pendre. Elle constitue un exemple de processus psychologique (cognitif et émotif) qui intervient dans les décisions économiques et qui font que l'« homo economicus », parfaitement rationnel, décrit par certaines théories des comportements économiques, n'existe pas.

Psychomédia avec source : Eurekalert.
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