« De nombreuses études ont cherché à relier des émotions données, comme la peur ou la joie, à des zones cérébrales spécifiques, mais sans succès. »

Certains modèles théoriques proposent que les émotions émergent plutôt par la coordination de multiples processus mentaux déclenchés par un événement.

Dans un modèle théorique dit des « processus componentiels » (CPM, pour « Component Process Model »), formulé par le psychologue Klaus Scherer de l'Université de Genève (UNIGE), un événement génère de multiples réponses dans l'organisme : évaluation cognitive (la nouveauté ou la concordance avec un but ou des normes...), de motivation, de processus physiologiques (la sudation ou le rythme cardiaque...), et d'expression (sourire, crier...). C'est la synchronisation transitoire de ces composantes qui correspondrait à un état émotionnel.

Pour investiguer cette hypothèse, Joana Leitão du Département des neurosciences fondamentales de l'UNIGE et ses collègues ont étudié les réactions de volontaires lors d'un jeu vidéo développé spécialement pour susciter différentes émotions. Leurs résultats ont été publiés en novembre 2020 dans la revue Plos Biology.

Le jeu est proche du célèbre Pacman. Les participants doivent attraper des pièces, toucher les « gentils monstres », ignorer les « monstres neutres » et éviter les méchants pour obtenir des points et passer au niveau supérieur.

Les chercheurs ont mesuré simultanément l'activité cérébrale par imagerie, l'expression faciale par analyse des muscles zygomatiques, le ressenti émotionnel par questionnement, et la physiologie par des mesures cutanées et cardiorespiratoires.

« Toutes ces composantes impliquent des circuits cérébraux différents distribués dans tout le cerveau. En croisant les données d'imagerie avec une modélisation informatique, nous avons pu déterminer comment ces composantes interagissent dans le temps et à quel moment elles se synchronisent pour générer une émotion », explique la chercheure.

Les résultats montrent aussi qu'une région profonde du cerveau appelée les ganglions de la base est impliquée dans cette synchronisation. Cette structure est connue comme un site de convergence entre de multiples régions corticales, chacune dotée de processus affectifs, cognitifs, ou sensori-moteurs spécialisés. Les autres régions impliquent le réseau sensori-moteur, l'insula postérieure, et le cortex préfrontal.

« Une telle implication des zones somatosensorielles et motrices est conforme au postulat des théories considérant l'émotion comme un mécanisme de préparation d'action qui permet à l'organisme de promouvoir une réponse adaptative face aux événements », conclut Patrik Vuilleumier, coauteur.

Pour plus d'informations sur la psychologie des émotions, voyez les liens plus bas.

Psychomédia avec sources : Université de Genève, PLOS Biology.
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