L'inoculation psychologique est efficace pour aider les gens à reconnaître la désinformation, selon une étude publiée en août 2022 dans la revue Sciences Advances.

Elle consiste à exposer les gens de manière préventive aux techniques de désinformation afin qu'ils puissent mieux les identifier, quel que soit le sujet abordé.

La stratégie est comparée à un vaccin : en donnant une « micro-dose » de désinformation à l'avance, on empêche les gens de se laisser prendre à l'avenir. L'inoculation ne porte pas sur des sujets ou des points de vue spécifiques mais sur les méthodes de désinformation.

Il s'agit d'un « prebunking » qui, selon la théorie, pourrait être plus efficace pour lutter contre le déluge de désinformation que le classique « debunking », c'est-à-dire la vérification des faits après la diffusion de chaque contre-vérité, qui est impossible à réaliser à grande échelle, et qui peut renforcer les théories du complot en étant ressentie comme des attaques personnelles par les personnes qui y croient.

Jon Roozenbeek et ses collègues (1) des départements de psychologie des universités de Cambridge et de Bristol ainsi que de Google Jigsaw ont développé cinq vidéos de 90 secondes destinées à familiariser les utilisateurs avec les techniques de manipulation suivantes.

  • L'utilisation d'un langage émotionnellement manipulateur

    Les émotions sont de puissants outils de persuasion. Les recherches montrent que l'utilisation de mots émotionnels, en particulier ceux qui évoquent des émotions négatives comme la peur ou l'indignation, augmente le potentiel viral d'un contenu sur les médias sociaux.

  • L'incohérence

    Il y a incohérence lorsque quelqu'un utilise deux ou plusieurs arguments pour faire valoir un point qui ne peuvent logiquement être vrais en même temps.

  • La fausse dichotomie

    Une fausse dichotomie (ou faux dilemme) est un sophisme dans lequel un nombre limité de choix ou de côtés sont présentés comme les seuls possibles, alors qu'en réalité davantage d'options sont disponibles. La réduction d'une situation complexe à une alternative entre deux options permet le manichéisme (pensée en noir et blanc) dans lequel une option peut être diabolisée, ne laissant qu'un seul choix possible.

  • Le bouc émissaire

    La désignation d'un bouc émissaire consiste à accuser une personne ou un groupe ou à leur faire porter la responsabilité injustifiée d'un problème particulier.

  • L'attaque ad hominem

    Une attaque ad hominem consiste à attaquer la personne qui avance un argument, au lieu de s'attaquer à l'argument lui-même. Ces attaques sont généralement utilisées pour détourner l'attention du sujet en cours. Elles peuvent être, mais ne sont pas nécessairement, fallacieuses, car dans certains cas, la crédibilité du messager est pertinente pour l'argument en question.

Dans six études randomisées menées avec un total de 6464 participants et une étude de terrain « écologiquement valide » sur YouTube menée avec 22 632 participants, ces vidéos amélioraient la reconnaissance des techniques de manipulation, renforçaient la confiance dans le repérage de ces techniques, augmentaient la capacité de discerner le contenu digne de confiance de celui qui ne l'est pas, et amélioraient la qualité des décisions de partage sur les réseaux.

« L'effet d'inoculation était cohérent entre les libéraux et les conservateurs. Il fonctionnait pour des personnes ayant différents niveaux d'éducation et différents types de personnalité. Il s'agit d'une inoculation générale contre la désinformation », concluent les chercheurs. « Nous montrons que les campagnes d'inoculation psychologique sur les médias sociaux sont efficaces pour améliorer la résistance à la désinformation à l'échelle. »

La désinformation est presque toujours créée à partir des mêmes techniques, souligne Stephan Lewandowsky, coauteur.

Les vidéos d'inoculation utilisées dans cette étude peuvent être visionnées, en anglais, sur le site Inoculation Science.

Google s'apprêtait, en août, à déployer une campagne anti-désinformation basée sur ces résultats, selon le communiqué de l'Université de Cambridge.

Pour plus d'informations sur la désinformation, voyez les liens plus bas.

(1) Sander van der Linden, Beth Goldberg, Steve Rathje et Stephan Lewandowsk.

Illustration - Crédit : Inoculation Science.

Psychomédia avec sources : Science Advances, University of Cambridge, , Inoculation Science.
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