« Depuis les années 1990, l’intensité des mouvements de foule n’a cessé de croître. En moyenne, environ 380 personnes meurent chaque année dans ce type d’accidents, dont le plus meurtrier a causé la mort de 2 300 personnes à La Mecque en septembre 2015 », rapporte Mehdi Moussaid, chercheur spécialisé dans le comportement des foules au Max Planck Institute for Human Development (Berlin), sur le site The Conversation.

Lors de rassemblements de très grandes foules, « le moindre défaut d’organisation peut rapidement virer au cauchemar ».

Le « tremblement de foule »

Que se passe-t-il pendant un mouvement de foule ? La dynamique de ce phénomène n’a été comprise qu’assez récemment, en 2006, à la suite d’une bousculade de grande ampleur qui a causé la mort de 362 personnes à La Mecque. L’accident a été filmé par une caméra de surveillance dont les images ont été analysées au laboratoire du physicien allemand Dirk Helbing.

Grâce à cette vidéo, ce chercheur spécialisé dans le comportement des foules a identifié le phénomène du « tremblement de foule » (« crowd-quake »).

« Il s’agit d’un phénomène collectif qui se met en place spontanément lorsque la densité d’individus atteint un seuil critique situé autour de 6 personnes par mètre carré. À ce niveau d'encombrement, les contacts physiques entre les corps sont si intenses que le moindre mouvement déclenche une vague de bousculade qui se propage à travers la foule. Ce sont ces ondes de choc, semblables aux secousses sismiques qui surviennent pendant un tremblement de terre, qui font chuter les individus et leur font subir des pressions physiques écrasantes. »

« Depuis cette importante découverte, les tremblements de foule ont été systématiquement identifiés lors des bousculades meurtrières comme celle de la Love Parade. Et même si elles sont de mieux en mieux comprises, aucune solution n’existe à ce jour pour enrayer ce phénomène une fois qu’il est en place. »

Guide de survie

Que faire « lorsque vous êtes prisonnier de la foule, que l’étau se resserre et que les tremblements commencent à se faire ressentir ? » Voici les conseils de survie de Mehdi Moussaid élaborés grâce aux recherches de laboratoires de « fouloscopie ».

  1. Ouvrez les yeux

    « Votre premier objectif sera de vous extraire de la masse le plus rapidement possible. Regardez autour de vous : est-il préférable de faire demi-tour ou de continuer à avancer ? Pour le savoir, essayez d’estimer où se trouve l’épicentre de la bousculade, le lieu où l’encombrement est à son maximum, et dirigez-vous dans la direction où la densité se réduit progressivement. Pensez aussi à lever les yeux. Vous trouverez peut-être un échappatoire rapide en escaladant une barrière ou en montant sur le comptoir d’un bar.

  2. Partez tant qu’il est encore temps

    Lorsque la densité augmente autour de vous, l’espace disponible diminue et votre liberté de mouvement se réduit progressivement. Plus vous attendez, plus la fuite sera difficile. Le temps joue en votre défaveur. Par conséquent, n’hésitez pas à quitter la zone de forte congestion dès que vous commencerez à vous sentir mal à l’aise, et tant que vous avez encore assez d’espace pour vous mouvoir.

    En vous dégageant du cœur de la foule, vous réduirez par ailleurs le risque d’accident pour les autres, car votre absence aura comme effet d’alléger l’encombrement pour ceux qui restent sur place.

  3. Restez debout

    S’il est trop tard pour fuir, vous allez devoir vous adapter. La recommandation la plus importante sera alors de garder l’équilibre. Restez sur vos jambes, coûte que coûte, au risque de vous retrouver dans une situation critique. Lors d’un mouvement de foule, la proximité des individus est telle que votre chute entraînerait immédiatement celle de vos voisins par effets domino. Avant d’avoir pu vous relever, le poids des corps vous immobilisera au sol. Alors, restez debout ! Portez par exemple une attention particulière aux sacs à dos et autres objets abandonnés qui pourraient vous déséquilibrer.

  4. Économisez votre oxygène

    L’oxygène sera votre ressource la plus précieuse, celle qui viendra à manquer si la situation s’aggrave. En effet, la grande majorité des décès sont causés par une asphyxie. Évitez par exemple de crier si ce n’est pas indispensable, et contrôlez votre respiration dans la mesure du possible.

  5. Repliez les bras

    J’ai découvert cette technique en lisant les rapports de Paul Wertheimer, un homme d’affaires à la tête de Crowdsafe, une entreprise de conseil en gestion de foules. Et c’est effectivement une bonne idée. Lorsque la pression devient trop intense, repliez les bras devant vous, comme un boxeur. Dans cette position, vous pourrez protéger votre cage thoracique et préserver quelques centimètres d’espace autour de vos côtes et de vos poumons.

  6. Laissez vous porter par la vague

    Le réflexe naturel lorsque l’on se fait bousculer est de résister à la pression en poussant dans la direction opposée. Dans le cas d’un mouvement de foule, c’est une mauvaise idée. Vous ne pourrez en effet pas contrecarrer une onde de choc par la seule force de vos bras. La pression exercée par la foule vous emportera quoique vous fassiez. Résister serait donc une vaine utilisation de votre précieuse énergie. De plus, cela risquerait d’amplifier les tensions physiques, rendant les prochaines vagues encore plus intenses. Au contraire, laissez-vous plutôt porter par le flot en tachant simplement de garder l’équilibre.

  7. Eloignez-vous des parois

    Le seul endroit où le conseil précédent ne peut s’appliquer est au voisinage d’un mur, d’un grillage ou de n’importe quel autre objet solide. Les études de cas montrent en effet que la proximité d’un obstacle est une importante source de danger. Les premières victimes d’une bousculade sont souvent écrasées contre une paroi comme ce fut le cas lors du mouvement de panique de Turin en 2017 ou lors des tragédies du Heysel et de Hillsborough dans les années 1980. Nos simulations numériques montrent que les pressions les plus intenses sont exercées au voisinage d’un obstacle solide. Dans la mesure du possible, éloignez-vous donc des murs, des poteaux et des grillages.

  8. Sachez interpréter les signaux de densité

    Pour prendre les bonnes décisions, il est important que vous puissiez évaluer la gravité de la situation. Mais comment faire sans instrument de mesure, lorsque vous êtes vous-même immergé dans la masse ? Voici quelques règles simples pour estimer la densité autour de vous :

    Si vous n’avez aucun contact physique avec vos voisins, vous êtes probablement encore en dessous de 3 pers/m2, il n’y a pas de risque.

    Si vous touchez involontairement un ou deux de vos voisins en même temps, la densité doit se situer entre 4 et 5 pers/m2. Il n’y a pas de danger immédiat, mais il serait préférable de commencer à vous éloigner tranquillement du cœur de la congestion.

    Si les mouvements de vos bras sont entravés au point que vous ayez du mal à approcher votre main de votre visage. Il y a trop de monde. Partez !

  9. En cas de panique

    La panique est un cas particulier dans lequel la foule se rue dans une même direction pour fuir d’un danger réel ou suspecté. Depuis quelques années, la menace terroriste a causé une forte augmentation de ce type de mouvement collectif, comme sur la place de la République à Paris en novembre 2015, sur la place San Carlo de Turin en juin 2017, ou sur le cours Saleya à Nice en juillet 2018.

    Gardez bien en tête dans ces situations que le mouvement de foule peut s’avérer plus dangereux que la menace que vous fuyez. Par conséquent, accordez-vous un court instant pour évaluer la nature du danger et éloignez-vous calmement en restant le plus loin possible de la cohue.

  10. L’entraide

    Si la situation est grave pour vous, elle l’est tout autant pour les personnes qui vous entourent. Les études du psychologue John Drury de l’université du Sussex en Angleterre ont montré à de nombreuses reprises que l’altruisme et l’entraide sont d’importants ingrédients pour éviter un drame. Une foule solidaire a plus de chance de survie qu’une foule d’individualistes. Alors, restez humain et bienveillant envers les autres en proposant votre aide quand vous le pouvez, en évitant de causer la chute de vos voisins et en veillant sur les plus faibles. Tout le monde en profitera, y compris vous-même. »

Pour plus d'informations, voyez les liens plus bas.

Psychomédia avec source : The Conversation.
Tous droits réservés.