Dans un communiqué publié le 2 juillet, l'Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) fait le point sur le débat portant sur l’efficacité de divers produits non pharmaceutiques à base d'Artemisia dans le traitement du paludisme et de la COVID-19.

« Originaire d’Asie, la plante Artemisia est utilisée dans la médecine traditionnelle chinoise depuis des siècles. » Près de 400 espèces poussent maintenant à travers le monde.

C'est de l'espèce Artemisia annua (armoise annuelle) qu’est extraite l’artémisinine, « principe actif contenu dans les principaux traitements antipaludiques utilisés pour traiter la maladie aujourd’hui. »

Si certains estiment que divers produits non pharmaceutiques à base d’Artemisia tels que des infusions ou des produits d’herboristerie «  auraient un rôle à jouer dans la lutte contre le paludisme, notamment dans les zones endémiques et reculées, la plupart des chercheurs pointent du doigt l’absence de données d’efficacité solides », indique le communiqué.

« Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, l’Artemisia se retrouve à nouveau sous le feu des projecteurs, après l’annonce du président malgache qu’une boisson à base d’extraits de la plante, baptisée Covid-Organics, pourrait constituer un remède contre le nouveau coronavirus SARS-CoV-2.

D’autres pays d’Afrique lui ont déjà emboîté le pas, notamment la République démocratique du Congo, qui souhaite lancer un essai clinique pour mesurer l’efficacité de la tisane d’Artemisia annua dans le traitement du Covid-19. »

Traiter le paludisme et éviter la résistance

Le traitement du paludisme recommandé par l’OMS combine un dérivé de l’artémisinine, dont l’action pour éliminer les parasites est rapide et efficace, avec un médicament visant à prévenir leur recrudescence. Cette combinaison a pour but de parvenir à une guérison en éliminant totalement le parasite du sang pour éviter qu’il n’évolue vers une forme grave et potentiellement mortelle. Les dérivés de l’artémisinine ne sont plus utilisés seuls en monothérapies depuis 2017 pour éviter l’émergence de souches résistantes du parasite Plasmodium falciparum.

Dans certaines régions où le paludisme est endémique, l’accès à ces médicaments peut être limité, ou représenter un coût trop important pour les patients. C’est pour cette raison qu’un usage, notamment sous la forme de tisane, de la plante complète a été promu par divers acteurs. Ce traitement fonctionnerait grâce à la présence d’artémisinine et d’autres composés, interagissant ensemble pour réduire le nombre de parasites dans le sang.

Mais, la composition et la qualité des remèdes non-pharmaceutiques à base d’Artemisia varient grandement. De même, la méthode de préparation des tisanes et la dose de principe actif contenu dans celles-ci ne sont pas standardisées, et peuvent aussi varier d’un produit à l’autre. « Si ces traitements peuvent donc améliorer les symptômes de certains patients, les doses non contrôlées et souvent insuffisantes peuvent conduire à un échec thérapeutique : tous les parasites ne sont pas éliminés, la maladie peut réapparaître. »

« Par ailleurs, la résistance à l’artémisinine a aussi une plus grande probabilité de se développer et se propager lorsqu’une population de parasites est exposée à des niveaux trop faibles de ce principe actif. »

Mener des essais cliniques

Certains estiment que l’usage de la plante entière aurait une valeur ajoutée par rapport aux combinaisons de médicaments « car d’autres composés que l’artémisinine pourraient avoir une activité contre le parasite, ou pourraient agir en synergie avec elle, améliorant son efficacité et sa biodisponibilité, pour un effet antipaludique plus puissant ». « Le risque de développement d’une résistance par les parasites s’en trouverait réduit. »

« Plusieurs études, principalement in vitro, ont été menées sur le sujet. Les résultats sont encore contradictoires et difficilement applicables à l’Homme, mais dans l’ensemble, ils suggèrent que l’activité d’autres composants de la plante contre P. falciparum, comme les flavonoïdes, est négligeable par rapport à celle de l’artémisinine. Enfin, si certains composés semblent en effet travailler en synergie avec l’artémisinine, le risque est qu’ils soient rapidement dégradés dans la tisane. »

« Pour tester l’efficacité et l’innocuité de ces thérapies non-pharmaceutiques, la mise en place d’essais cliniques rigoureux est nécessaire. » Les études cliniques menées à ce jour ont souvent porté sur un échantillon restreint de patients, avec de nombreux biais méthodologiques et/ou une période de suivi trop courte.

La Covid-19

Cet intérêt pour l’Artemisia dans le contexte d’épidémies de coronavirus n’est pas nouveau. Déjà pendant l’épidémie de SRAS en Chine au début des années 2000, des études avaient souligné les propriétés antivirales des extraits de la plante. (...) Des effets positifs avaient été rapportés sur certains patients, même si leur rigueur méthodologique avait été critiquée.

« En Allemagne, des scientifiques ont lancé des études in vitro pour tester l’efficacité d’extraits de la plante contre le SARS-CoV-2. L’équipe a évalué son activité contre SARS-CoV-2 dans un modèle de cellules pulmonaires chez le singe, et suggère que des tisanes d’Artemisia auraient un effet antiviral. Par ailleurs, l’hypothèse d’un effet anti-inflammatoire de la plante a été avancée, mais aucune donnée clinique ne vient à ce jour l’appuyer. Ces résultats sont donc à prendre avec prudence, d’autant qu’aucune donnée chiffrée sur l’ampleur de l’effet antiviral n’a été partagée et que rien n’a encore été publié, ni en preprint, ni dans une revue à comité de lecture. »

« La plante ouvre donc des pistes de recherche intéressantes, mais en l’absence de données robustes ou d’études à plus long terme avec des doses contrôlées d’extraits d’Artemisia annua, elle ne constitue pas pour le moment un traitement contre le Covid-19 », conclut le communiqué de l'Inserm.

Ce texte a été réalisé avec le soutien du chercheur Inserm Eric D’Ortenzio, coordinateur scientifique de REACTing et de Benoît Gamain, Directeur de recherche CNRS UMR-S 1134, Inserm/Université de Paris.

Texte complet sur le site de l'Inserm : L’Artemisia plante miracle, vraiment ?.

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