Un déséquilibre du microbiote intestinal est lié au développement des plaques amyloïdes dans le cerveau, qui est annonciateur de la maladie d'Alzheimer, montre une équipe des universités de Genève (UNIGE) et de Naples en collaboration avec d'autres institutions.

Ces résultats, publiés en novembre 2020 dans le Journal of Alzheimer's Disease, « permettent d'envisager de nouvelles stratégies préventives basées sur la modulation du microbiote des personnes à risque ».

« Des protéines produites par certaines bactéries intestinales, identifiées dans le sang des malades, pourraient en effet modifier l'interaction entre le système immunitaire et le système nerveux et déclencher la maladie », explique le communiqué des chercheurs.

Le laboratoire du neurologue Giovanni Frisoni avait déjà montré « que le profil du microbiote intestinal chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer était altéré par rapport aux personnes ne souffrant pas de pareils troubles ».

Leur microbiote présentait une diversité microbienne réduite, avec une surreprésentation de certaines bactéries et une forte diminution d'autres espèces. « Nous avions aussi découvert une association entre un phénomène inflammatoire détecté dans le sang, certaines bactéries intestinales et la maladie d'Alzheimer », rapporte le chercheur. « D'où l'hypothèse que nous avons voulu tester ici : l'inflammation du sang pourrait-elle constituer un médiateur entre le microbiote et le cerveau ? »

Les bactéries intestinales peuvent influencer le fonctionnement du cerveau et favoriser la neurodégénérescence de plusieurs façons.

« Premièrement, elles peuvent influencer la régulation du système immunitaire et, par conséquent, modifier l'interaction entre ce dernier et le système nerveux. Les lipopolysaccharides, des protéines situées sur la membrane des bactéries aux propriétés pro-inflammatoires, ont d'ailleurs été trouvées dans les plaques amyloïdes et autour des vaisseaux cérébraux des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. »

Ensuite, le microbiote intestinal produit des métabolites qui, ayant des propriétés neuroprotectrices et anti-inflammatoires, affectent directement ou indirectement les fonctions cérébrales.

Les chercheurs ont mené cette étude avec 89 personnes âgées de 65 à 85 ans, dont certaines souffraient de la maladie d'Alzheimer ou d'autres maladies neurodégénératives causant des problèmes de mémoire similaires, et d'autres ne présentant aucun trouble de la mémoire.

Certains produits bactériens du microbiote intestinal étaient corrélés à la quantité des plaques amyloïdes dans le cerveau, et ce par l'intermédiaire du système sanguin, qui transporte certaines protéines des bactéries jusqu'au cerveau, explique Moira Marizzoni, coauteure.

« Des taux sanguins élevés de lipopolysaccharides et de certains acides gras à chaîne courte (l'acétate et le valérate) étaient associés à la fois à d'importants dépôts amyloïdes dans le cerveau et à ces souches bactériennes particulières. À l'inverse, de hauts taux d'un autre acide gras à chaîne courte, le butyrate, étaient associés à une pathologie amyloïde moins importante. »

« Cette découverte ouvre la voie à des stratégies protectrices potentiellement très novatrices » : l'administration d'un cocktail bactérien par exemple, ou de prébiotiques afin de nourrir les « bonnes » bactéries de notre intestin. (Qu'est-ce que les probiotiques et les prébiotiques ? Dans quels aliments se trouvent-ils ?)

Mais il faudra d'abord identifier les souches du cocktail, précise Giovanni Frisoni. Et, « cet effet neuroprotecteur ne pourrait être efficace qu'à un stade très précoce de la maladie, dans une optique de prévention plutôt que de thérapie ».

« Or, le diagnostic précoce reste encore aujourd'hui l'un des principaux défis de la prise en charge des maladies neurodégénératives, car il faut développer des protocoles permettant d'identifier les personnes à haut risque pour les traiter bien avant l'apparition de symptômes détectables. »

Pour plus d'informations, voyez les liens plus bas.

Psychomédia avec sources : Université de Genève, Journal of Alzheimer's Disease.
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