Le 2 avril, Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, une dizaine de familles ont déposé un recours contre l'État français pour demander une indemnisation pour défaut de prise en charge adaptée de leur enfant autiste. Le Point s'est entretenu avec leur avocate, Me Sophie Janois, spécialisée dans la défense des personnes autistes.

Ces familles d'enfants de 5 à 15 ans ont été orientées vers des établissements médico-sociaux, mais, faute de place, leur enfant n'a pas été pris en charge.

Dans ses recommandations de mars 2012, explique l'avocate, la Haute Autorité de santé (HAS) "a préconisé d'utiliser des méthodes éducatives, cognitivo-comportementales et développementales."

"Dès le plus jeune âge de l'enfant, on lui apprend à communiquer à l'aide de jeux ou de pictogrammes. Ces méthodes nous viennent essentiellement des États-Unis et du Canada (A.B.A., T.E.A.C.C.H., P.E.C.S.). Jusqu'alors, les psychiatres d'obédience psychanalytique en charge de l'autisme attribuaient à la mère la responsabilité des troubles de leur enfant, alors qu'il est maintenant établi qu'il s'agit d'un trouble neuro-développemental."

En France, "ces méthodes ne sont presque pas appliquées faute de formation des professionnels", précise l'avocate. "Les établissements en place ne se sont pas conformés à la recommandation de l'HAS et les instituts médico-éducatifs (IME) sont en nombre trop réduit pour accueillir tous les enfants."

"De plus, les interventions des personnes compétentes exerçant en libéral ne sont pas remboursées par la sécurité sociale."

L'action judiciaire intentée repose "sur deux jurisprudences du Conseil d'État qui ont condamné l'État à verser des indemnités à des enfants qui auraient dû être pris en charge dans des établissements adaptés." Le Conseil d'État "a jugé que l'État avait une obligation de résultat. La loi Chossy de 1996 garantit à toute personne autiste ou polyhandicapée une prise en charge spécifique et adaptée".

Pour les 10 familles, l'avocate "demande la réparation d'un préjudice moral, le fait que l'enfant ait perdu la chance d'avoir pu évoluer plus rapidement et favorablement" ainsi qu'un "préjudice financier qui se traduit par la cessation d'activité des parents ou de l'un des deux, ou le remboursement de ce qu'ils ont payé pour permettre à leur enfant de bénéficier d'une prise en charge adaptée. Cela représente environ 100 000 à 200 000 euros par famille. L'une des deux familles qui a eu gain de cause devant le Conseil d'État avait obtenu environ 150 000 euros pour un an et demi de non-prise en charge."

Autres dysfonctionnements du système identifiés par l'avocate :

"Une loi du 4 mars 2002 garantit un droit au diagnostic que la HAS préconise de faire à l'âge de deux ans. Or, aujourd'hui, les enfants ne sont vraiment diagnostiqués qu'à l'âge de 6 ans, ce qui crée un retard préjudiciable dans leur prise en charge."

"La loi dite "handicap" du 11 février 2005 garantit aux enfants handicapés une scolarisation adaptée en milieu ordinaire (...). Malheureusement, l'Éducation nationale est peu encline à les accueillir en son sein. (...) Les parents sont donc souvent contraints d'assurer eux-mêmes l'éducation de leur enfant."

Rappelons que le Conseil de l'Europe a condamné la France à 5 reprises, en 2004, 2007, 2008, 2012 et 2014, pour non-respect des obligations éducatives envers les personnes autistes.

Psychomédia avec sources: Le Point, Sophie Janois, avocate (communiqué)
Tous droits réservés