Les nouvelles technologies, et particulièrement les smartphones, mettent le cerveau dans une situation permanente de multitâches pour laquelle il n'est peut-être pas conçu, considère Jean-Philippe Lachaux, chercheur à l'Inserm (Centre de recherche en neurosciences de Lyon) et auteur du livre Le Cerveau attentif: contrôle, maîtrise et lâcher-prise, dont les propos sont rapportés par Le Figaro.

Toujours à la portée, les smartphones détournent régulièrement l'attention du moment présent pour la diriger vers un autre monde d'informations.

Un monde irrésistible, élabore-t-il, en raison de l'activation du circuit cérébral dit de récompense en réponse aux informations jugées importantes ou intéressantes, activation qui peut parfois entraîner un phénomène d'addiction (tout ce qui plaît et intéresse active ce système, ndlr).

Le cerveau adapte spontanément ses priorités en fonction du contexte dans lequel la personne se trouve. Les technologies mobiles juxtaposent dans un même espace plusieurs contextes: je suis à la fois à la terrase d’un café avec un ami, et au bureau avec mes collègues, et devant un cinéma montrant des bandes-annonces, et devant un kiosque à journaux, etc. Chaque contexte s’accompagne d’un ensemble d’informations et surtout de propositions d’action qu’il va me falloir hiérarchiser.

L'attention a aussi tendance à soustraire de l'univers perceptif tout ce qui n'est pas pertinent par rapport aux choses à faire. Cette sélection conduit à un appauvrissement de l'expérience sensorielle qui est concentrée sur l'action en cours. Les expériences sensorielles les plus complètes surgissent donc à des moments «en creux» de l'existence pendant lesquels nous ne sommes pas occupés à accomplir quelque chose. Ces moments sont des phases d'écoute et de réceptivité accrue à ce qui nous entoure, ou à ce que nous ressentons. En nous plaçant continûment dans un contexte favorable à l'action, les smartphones ont tendance à éliminer ces «blancs».

Le chercheur appelle à être conscient de la charge que les smartphones font peser sur les capacités d'attention. Dans un univers de multitâches permanent, considère-t-il, le bon usage de l'attention ne va plus de soi et il serait peut-être pertinent d'envisager une éducation de l'attention, notamment en milieu scolaire.

En septembre 2010, le New York Times rapportait également les points de vue de chercheurs américains qui considéraient que la mobilisation constante du cerveau pouvait présenter des inconvénients: lorsque les gens gardent leur cerveau constamment occupé, ils perdent les temps d'arrêt qui pourraient leur permettre de mieux apprendre et mémoriser des informations, ou de trouver de nouvelles idées. Des études ont suggéré que le repos mental, dans lequel la pensée vagabonde de façon non structurée, est important pour la mémorisation et l'apprentissage.

Les processus mentaux qui se produisent alors que l'esprit n'est pas centré sur des tâches rempliraient des fonctions diverses et importantes selon des études récentes.

Psychomédia avec source: Le Figaro, www.lecerveauattentif.fr.
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