L’étude des rêves lucides pourrait ouvrir des pistes pour mieux comprendre les rêves et la conscience. Un article publié dans la série Canal Détox de l'Inserm (1) décrit ce domaine de recherche.

Les rêves lucides consistent à avoir conscience de rêver pendant le rêve. Il a récemment été estimé que 55 % des adultes font au moins un rêve lucide au cours de leur vie et que 23 % en feraient deux ou plus tous les mois.

Dans un tiers des cas, les rêveurs lucides seraient aussi capables d’exercer une forme de contrôle sur leur rêve, par exemple en changeant de lieu ou en choisissant délibérément de se réveiller.

Mais même chez les personnes qui font fréquemment des rêves lucides, ceux-ci ne représentent qu’une petite partie de leurs rêves.

Pour certains experts, il serait possible de déclencher ces expériences chez de nombreuses personnes, en utilisant les bonnes méthodes.

L'étude des rêves

L’étude des rêves s’est traditionnellement heurtée à plusieurs difficultés. Elle s’appuie en effet principalement sur le récit des rêves qu’en font les personnes à leur réveil. Des biais de mémoire, d’autocensure ou encore de fabulation sont donc possibles. Par ailleurs, il est très difficile de mettre en place des études d’imagerie cérébrale pour suivre l’activité du cerveau pendant les rêves, le bruit des machines augmentant le risque de réveil du dormeur.

Étudier les rêveurs lucides pourrait permettre de développer d’autres méthodologies pour mieux appréhender le rêve ainsi que la conscience. Par exemple, parmi les travaux récents sur le sujet, des équipes de recherche françaises ont collaboré avec d’autres grands laboratoires internationaux pour montrer qu’une communication à double sens était possible entre les chercheurs et les rêveurs lucides.

Les rêveurs lucides ayant participé à cette étude étaient en effet capables de répondre aux questions des expérimentateurs (par exemple à des exercices de calcul mental) par le biais d’un code oculaire ou de la contraction des muscles faciaux, tout en restant endormis (en phase de sommeil paradoxal). Ces travaux ont remis en question l’idée que nous sommes entièrement coupés du monde et incapables d’interagir avec les autres pendant notre sommeil. Ils ouvrent la voie à la possibilité pour les scientifiques de communiquer avec des personnes en train de rêver, afin d’étudier plus directement les rêves, au moment où ils se produisent.

Des méthodes pour induire les rêves lucides

Le rêve lucide intervient au cours du sommeil paradoxal. Les données scientifiques suggèrent qu’il s’agirait d’un état de conscience hybride, un peu à part : la personne est bel et bien endormie mais l’activité cérébrale qui a pu être enregistrée dans une rare étude sur le sujet montre que cette activité est un peu différente de l’activité cérébrale typiquement observée lors du sommeil paradoxal.

La littérature scientifique décrit trois catégories de méthodes permettant d’induire des rêves lucides :

  • des techniques « d’entraînement cognitif », qui reposent sur des exercices mentaux augmentant la probabilité de faire un rêve lucide pendant son sommeil ;

  • des techniques reposant sur l’exposition du dormeur à certains stimuli pendant le sommeil paradoxal ;

  • la prise de certaines substances, notamment de la galantamine, un inhibiteur d’une enzyme appelée acétylcholinestérase.

Une combinaison des deux premières approches a parfois été proposée.

Des chercheurs d'un laboratoire Inserm travaillent prioritairement avec des personnes atteintes de narcolepsie, une hypersomnie associée à des rêves lucides plus fréquents.

Des applications possibles mais des perspectives lointaines

Parmi les applications cliniques qui sont le plus souvent mises en avant, la possibilité de traiter les cauchemars, notamment chez les personnes souffrant de stress post-traumatique, en leur apprenant à réaliser que le mauvais rêve n’est qu’un rêve, voire à le contrôler.

Certains articles montrent même que le fait de pratiquer des entraînements cognitifs visant à favoriser le rêve lucide peut aider les patients à prendre du recul sur leurs rêves, même s’ils ne parviennent pas à atteindre la « lucidité ». Pour le moment néanmoins, les études sur le sujet demeurent parcellaires et leur méthodologie est souvent limitée.

Quelles sont les psychothérapies pour le traitement des cauchemars ?

Les rêves lucides, une atteinte à l’intégrité du sommeil ?

Des experts craignent toutefois que le fait d’encourager les rêves lucides puisse avoir des conséquences néfastes sur la qualité et la durée du sommeil, et donc sur la santé.

Plusieurs études ont récemment soulevé cette problématique. Par exemple, dans un article publié dans le journal Frontiers in Psychology, des chercheurs rappellent que la plupart des méthodes utilisées en laboratoire pour induire les rêves lucides impliquent de « déranger » le participant pendant le sommeil paradoxal.

Les scientifiques estiment qu’il faut donc bien peser le pour et le contre avant de proposer des protocoles expérimentaux s’appuyant sur le déclenchement de rêves lucides chez des participants, si cela devait être fait de manière très régulière.

Pour plus d'informations sur les rêves et les rêves lucides, voyez les liens plus bas.

(1) Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Psychomédia avec sources : Inserm.
Tous droits réservés.