L'hypertension représente un mécanisme « normal » d'adaptation psychosociale, selon une conception exposée par le cardiologue Sandeep Jauhar dans le New York Times.

Les différents systèmes du corps, explique-t-il, fonctionnent ensemble pour maintenir un équilibre physiologique, appelé l'homéostasie.

Par exemple, lorsque la pression artérielle chute soudainement, le cœur accélère et les reins conservent le sodium et l'eau, ramenant la pression à la normale.

Lorsque la température du corps baisse, des tremblements génèrent de la chaleur et les vaisseaux sanguins se contractent pour conserver la chaleur. L'homéostasie vise à préserver une constance, à un point d'équilibre, face à des conditions changeantes.

Mais, il y a des phénomènes que l'homéostasie ne peut pas expliquer. Par exemple, la pression artérielle fluctue souvent de minute en minute. « Si le corps est censé maintenir un point d'équilibre, il ne semble pas faire un très bon travail. » La pression augmente également de façon constante tout au long de l'enfance et de l'âge adulte. Pourquoi le point d'équilibre dérive-t-il vers le haut ? Pour expliquer ces choses, certains experts, explique Jauhar, ont proposé une théorie alternative à l'homéostasie : l'allostasie.

L'allostasie ne vise pas la préservation de la constance, mais plutôt le calibrage des fonctions de l'organisme en réponse aux conditions externes et internes. Le corps ne défend pas un point d'équilibre particulier, mais permet à ce point de fluctuer en réponse à l'évolution des demandes, dont celles des circonstances sociales.

En raison de sa sensibilité à la situation sociale, l'allostasie est, à bien des égards, une notion meilleure que homéostasie pour expliquer les maladies chroniques modernes, souligne l'auteur.

Dans le cas de l'hypertension, dit-il, la cause est inconnue dans 90 % des cas. Selon le neurobiologiste Peter Sterling, un promoteur de la théorie de l'allostasie, l'hypertension est une réponse normale au stress chronique, cite-t-il.

Alors que l'homéostasie attribue l'hypertension à un défaut de régulation interne, l'allostasie l'explique comme étant une réponse normale à des circonstances sociales. L'activation physiologique (« arousal ») amène la libération d'hormones de stress comme l'adrénaline et le cortisol qui resserrent les vaisseaux sanguins et provoquent une rétention de sel. Ce qui conduit à des changements à long terme, comme un épaississement de la paroi artérielle, lesquels hausse le point d'équilibre de la pression. Le corps s'adapte à cette pression plus élevée et travaille pour la maintenir.

Ainsi, la pression est souvent constante jusqu'à 6 ans et augmente par la suite. À l'âge de 17 ans, la moitié des garçons ont une pression se situant dans l'intervalle de la préhypertension et 20 % ont une hypertension.

Selon la conception allostatique, rien n'est « cassé ». Le corps réagit de la façon dont il devrait à des circonstances chroniques « de combat ou de fuite » (« fight or flight ») dans lesquelles il se trouve. Comme le fait remarquer Sterling, le modèle de l'allostasie identifie un paradoxe apparent : les gens meurent, mais leurs mécanismes de régulation internes sont intacts.

Le concept d'allostasie est intéressant, car il met les facteurs psychosociaux au centre de la façon dont nous pensons aux problèmes de santé, dit-il.

Les recherches ont bel et bien associé l'hypertension au stress. Et il est bien établi que la pauvreté et le racisme sont associés aux accidents vasculaires cérébraux (AVC) et à la santé cardiovasculaire, rapporte l'auteur qui poursuit en citant quelques études montrant l'importance du stress dans ces maladies.

« Aujourd'hui, dit-il, il est clair que les maladies chroniques comme l'hypertension, le diabète et l'insuffisance cardiaque sont inextricablement liées à l'état de nos quartiers, de nos emplois et de nos familles. Nous devons utiliser ces informations dans la lutte contre l'inégalité croissante des revenus (...) et d'autres problèmes sociaux. »

« L'allostasie nous rappelle que pour traiter nos maux, nous devons aussi réparer notre tissu social. Nous devons examiner non seulement nos corps, mais aussi nous examiner nous-mêmes. »

Psychomédia avec source : New York Times.
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