« Une fois qu'un médicament est approuvé pour le traitement de conditions de santé spécifiques, les chercheurs mènent souvent de petits essais de faible portée, appelés essais exploratoires, visant à tester d'autres indications. »

« Si les premiers résultats favorables de ces essais exploratoires ne sont pas rapidement suivis d'essais de confirmation, les médecins, les patients et les payeurs peuvent être laissés dans l'incertitude quant à la valeur clinique d'un médicament (“agnosticisme clinique”). »

« De tels résultats peuvent encourager l'utilisation hors autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments inefficaces », soulignent des chercheurs ayant étudié ce phénomène avec la prégabaline (Lyrica), « l'un des médicaments les plus vendus dans le monde ».

Leurs travaux sont publiés dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) -Internal Medicine.

La prégabaline (Lyrica), un médicament anticonvulsivant (antiépileptique), est indiquée pour le traitement de certaines douleurs (douleurs neuropathiques, fibromyalgie dans certains pays comme les États-Unis et le Canada) et des troubles anxieux généralisés (Europe).

Elle est aussi largement utilisée « hors indications » pour traiter des problèmes autres que celles pour lesquelles elle a été approuvée.

Jonathan Kimmelman et Carole A. Federico de l'Université McGill (Québec) ont, avec leurs collègues, recensé 238 essais publiés avant janvier 2018 qui ont testé l'efficacité de la prégabaline pour au moins 33 indications ; 5 indications ont
finalement reçu l'autorisation de mise sur le marché de l'Agence européenne des médicaments et/ou de la Food and Drug Administration américaine.

Ils ont constaté « qu'après l'approbation initiale de la prégabaline, les recherches semblent avoir mieux réussi à créer la perception de son efficacité hors indication qu'à prouver cette efficacité », indique leur communiqué.

67 % (22 sur 33) des premières publications exploratoires pour de nouvelles indications « pouvaient avoir généré un agnosticisme clinique ».

Parmi les indications ayant fait l'objet d'un suivi d'au moins cinq ans, 63 % (17 sur 27) ont pu entraîner un agnosticisme qui n'a pas été résolu dans des essais de confirmation dans ces cinq ans.

Par exemple, « près d'une décennie après la publication d'une petite étude portant à croire que la prégabaline pourrait être efficace pour traiter les patients atteints de douleur lombaire, aucun essai de suivi rigoureux et à grande échelle n'a encore été publié. » (Mal de dos, sciatique… : Lyrica et Neurontin inefficaces et comportant des effets secondaires - 2018)

« Après l'approbation initiale, les données exploratoires suggérant la valeur de la prégabaline pour de nouvelles indications demeurent non confirmées pendant de longues périodes », concluent les chercheurs. « Une mauvaise coordination entre les tests exploratoires et les tests de confirmation peut représenter un moyen important par lequel la prescription non indiquée est recommandée dans les guides de pratique clinique et encouragée en l'absence de preuves confirmatives des essais. »

« Les médecins sont libres d'utiliser le médicament hors indication, et les compagnies pharmaceutiques ne sont pas obligées de prouver l'efficacité du médicament contre d'autres maladies », souligne le communiqué de l'université. « Résultat : les essais qui portent sur de nouvelles indications de médicaments déjà approuvés encouragent souvent l'utilisation de traitements potentiellement inefficaces. »

« L'usage hors indication des médicaments n'a rien de mauvais en soi », précise Carole Federico. « En fait, pour de nombreux médicaments, l'usage hors indication est solidement étayé par la recherche. Cependant, lorsque la prescription hors indication se fonde sur des données peu solides, les patients peuvent en souffrir. »

Pour plus d'informations sur le Lyrica (prégabaline), voyez les liens plus bas.

Psychomédia avec sources : Université McGill, JAMA Internal Medicine.
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