Les laboratoires Pfizer/BioNTech et Moderna ont été les premiers à annoncer les résultats préliminaires d’efficacité de leur vaccin tozinaméran (Comirnaty, auparavant BNT162b2) contre la COVID-19.

La technologie sur laquelle reposent ces nouveaux vaccins, dits « à ARN », « suscite de nombreuses questions et des craintes au sein de la population. »

Dans un communiqué publié le 14 décembre, l'Institut français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) répond à diverses interrogations.

« L’ADN et l’ARN sont des molécules présentes dans toutes les cellules des êtres vivants. Les molécules d’ADN sont porteuses du patrimoine génétique, situé à l’intérieur du noyau. Les molécules d’ARN sont synthétisées à partir de fragments d’ADN et sont ensuite utilisées comme patron par une machinerie complexe pour fabriquer, à l’extérieur du noyau, les protéines nécessaires au fonctionnement de l’organisme. »

Jusqu’à aujourd’hui, aucun vaccin à acides nucléiques (ADN ou ARN) n’était arrivé à la phase III des essais cliniques.

Un « leurre » pour le système immunitaire

L'idée de base de ces vaccins à ARN est, tout comme les autres vaccins, de confronter le système immunitaire à un « leurre » pour le pousser à développer des anticorps contre le virus.

Dans le cas de ces nouveaux vaccins, il s’agit de faire produire les fragments du virus directement par les cellules de la personne vaccinée. Pour cela, ce n’est pas le virus dans sa forme atténuée qui est injecté mais seulement des molécules d’ARN codant pour certaines de ses protéines.

« Les cellules de la personne vaccinée localisées au niveau du site d’injection (principalement les cellules musculaires et les cellules du système immunitaire) sont alors en mesure de fabriquer elles-mêmes lesdites protéines, choisies en amont pour leur capacité à déclencher une réponse immunitaire significative et protective. »

Le candidat vaccin de Pfizer/BioNTech comme celui de Moderna reposent sur l’injection d’un ARN messager codant pour la protéine Spike présente à la surface du coronavirus SARS-CoV-2. Cette protéine constitue la « clé » permettant au virus de s’accrocher aux cellules puis d’y pénétrer et de les infecter. « Ce choix d’un vaccin à ARN plutôt que d’un vaccin à ADN a été fait pour que la protéine Spike puisse être produite directement dans le cytoplasme des cellules de la personne vaccinée, sans passer par le noyau. »

Une longue histoire scientifique

La technologie des vaccins à ADN ou à ARN « ne date pas d’hier ». « Des chercheurs travaillent sur le sujet depuis plusieurs décennies. Ils faisaient néanmoins face à des obstacles techniques. »

La taille des molécules d’ADN et d’ARN posait notamment problème, ce qui explique en partie pourquoi cette technologie vaccinale n’avait jusqu’à récemment atteint que les stades précliniques et cliniques précoces. Les molécules d’ARN sont par exemple dix fois plus grosses qu’un antigène sous forme de protéine directement injecté via un vaccin traditionnel.

Il fallait donc développer un système de transport de ces molécules au bon endroit, à l’intérieur des cellules d’intérêt. C’est seulement récemment que des solutions ont pu être trouvées. Pfizer/BioNTech et Moderna utilisent des particules nanolipidiques pour transporter l’ARN vaccinal jusqu’aux cellules. La composition de ces particules « ressemble à celle des lipides situés dans les membranes de toutes les cellules de notre organisme et ne présente donc aucun risque ».

Rapidité de développement avantageuse en période pandémique

« Une grande partie du processus de développement et de manufacture des vaccins traditionnels se trouve éliminée. Il est par exemple possible d’éviter tout le travail de production des virus vivants atténués, inactivés ou recombinants à injecter aux patients ou encore de purification des protéines virales. En outre, les molécules d’ARN sont plus simples que des protéines virales : synthétisées par voie enzymatique, elles sont plus rapides à produire. »

Le fait de ne pas utiliser de virus entiers et de ne pas utiliser d’adjuvants mais simplement des molécules d’acides nucléiques signifie également que ces vaccins sont mieux tolérés.

Ces différents facteurs, de même que la vitesse de circulation du virus dans la population qui a permis d’obtenir plus rapidement des résultats d’efficacité lors des essais cliniques, ainsi que les budgets qui n'avaient jamais été aussi élevés pour ce type de recherche, expliquent la rapidité de développement de ces vaccins.

« Cette nouvelle technologie vaccinale devrait désormais permettre de réagir plus vite en période pandémique et pourra facilement être adaptée lors de futures éventuelles épidémies. »

Efficacité

Les vaccins à ARN déclenchent « une réponse immunitaire puissante et très spécifique au virus » : production d’anticorps hautement neutralisants et de lymphocytes T spécifiques de l’antigène viral, « car la protéine Spike produite par l’organisme est extrêmement proche de sa conformation naturelle dans le virus sauvage ».

Logistique : la chaîne du froid

« Les molécules d’ARN sont particulièrement instables et peuvent se “casser” au-delà d’une certaine température. C’est pourquoi il est essentiel de conserver ces vaccins à des températures très froides. Cela pose évidemment un certain nombre de problématiques, notamment concernant le respect de la chaîne du froid de l’usine de production jusqu’au cabinet du médecin. »

Effets secondaires à long terme encore mal documentés

Des inquiétudes ont « été soulevées concernant les effets secondaires à long terme encore mal documentés de ces vaccins. Il faut dans un premier temps souligner que les personnes qui seront vaccinées dès le début de l’année 2021 seront suivies de près par les médecins pour répertorier tout effet indésirable qui pourrait se produire. »

Pas de risque pour notre matériel génétique

« Par ailleurs, il est important de préciser que l’ARN injecté via le vaccin n’a aucun risque de transformer notre génome ou d’être transmis à notre descendance dans la mesure où (...) il ne pénètre pas dans le noyau des cellules. Or, c’est dans ce noyau cellulaire que se situe notre matériel génétique.

Même après l’injection du vaccin, lors de la division cellulaire, les noyaux continuent à ne contenir que notre ADN humain naturel. Par ailleurs, l’injection est locale et les cellules qui reçoivent l’ARN codant pour la protéine Spike sont principalement les cellules musculaires : en aucun cas l’ARN ne va jusqu’aux cellules des organes reproducteurs (les gonades). Il ne peut donc pas être transmis d’une génération à l’autre.

Enfin, les cellules produisant la protéine Spike suite à l’injection du vaccin sont rapidement détruites par le système immunitaire. L’ARN étranger ne reste donc pas longtemps dans l’organisme : il produit juste ce qu’il faut pour entraîner le système immunitaire à réagir en cas d’infection “naturelle” par le virus avant d’être éliminé. »

Le texte de l'Inserm « a été rédigé avec le soutien de Bruno Pitard, directeur de recherche au Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA) et spécialiste de la vaccination ARN ».

Les résultats intermédiaires de l’essai de phase III mené par Pfizer/BioNTech ont été publiés le 10 décembre dans le New England Journal of Medicine.

Pour plus d'informations, voyez les liens plus bas.

Psychomédia avec sources : Inserm, New England Journal of Medicine.
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