Malgré « des gestes authentiquement généreux », la philanthropie contribue « à contourner la démocratie et à accroître les inégalités sociales », estime Maxim Fortin, doctorant en science politique à l’Université Laval, dans Le Devoir à l'occasion du Sommet 2015 sur la culture philanthropique qui se tient à Montréal les 10 et 11 novembre.

Alors que la philanthropie « semble jouir d’une certaine aura et d’un prestige moral », « une analyse critique et historique de l’action philanthropique permet de relativiser considérablement la contribution de la philanthropie au bien commun », expose-t-il.

La philanthropie peut premièrement être abordée « sous l’angle du contournement et de la mise hors-jeu de la démocratie ».

Par exemple, en Nouvelle-Orléans, après l’ouragan Katrina de 2005, une vaste intervention philanthropique destinée à remettre sur pied le système d’éducation, menée entre autres par la Fondation Bill et Melinda Gates de même que par la Fondation de la famille Walton, propriétaire de la chaîne Wal-Mart, a « profondément transformé le système d’éducation de cet État, privatisant en bonne partie celui-ci et faisant triompher en son sein le modèle des écoles à charte tant défendu par les grands philanthropes américains. Le tout, presque sans débat public… »

Il y a aussi la question du contrôle de groupes sociaux lorsque les États font appel à la philanthropie comme partenaire dans l’« édification d’une nouvelle gouvernance du social » et d’un « nouveau mode de prestations des services sociaux ».

« Non seulement cette tendance menace l’autonomie de ces groupes, mais elle risque aussi de les dépouiller de leur capacité de représenter un contre-pouvoir, un espace autonome d’organisation et de revendication. C’est d’ailleurs ce type de critiques et d’appréhensions qui se retrouvaient dans la pétition des 360 groupes sociaux demandant en 2014 la fin des partenariats conclus entre la Fondation Lucie et André Chagnon et le gouvernement du Québec. »

Mais surtout, il y a la question du « lien évident entre la croissance de la philanthropie et la croissance des inégalités sociales. La philanthropie, particulièrement la grande philanthropie privée des élites, se développe là où il y a concentration de richesses et concentration du capital. Elle est loin d’agir dans une logique de redistribution », ne s’attaquant pas à cette inégalité et aux sources de celle-ci. (Voyez : « Le Capital au XXIe siècle » (1 million d'exemplaires) : il faut taxer le capital pour combattre les inégalités et Les inégalités et l'austérité ne sont pas nécessaires, selon Stiglitz, prix Nobel d'économie.)

« La philanthropie renforce également une forme d’inégalité devant l’impôt. Tandis que les particuliers de la classe moyenne et des classes populaires se voient de plus en plus taxés et imposés en raison d’une soi-disant crise des finances publiques, les philanthropes bénéficient d’un véritable régime de privilèges en matière fiscale. »

À lire dans Le Devoir : Justice sociale et philanthropie, une relation tendue

Psychomédia
Tous droits réservés