Au cours des trois dernières années, l'apparition d'effets à long terme associés au COVID-19 a conduit à s'intéresser de plus près à une maladie présentant des caractéristiques et des symptômes similaires : l'encéphalomyélite myalgique, aussi appelée syndrome de fatigue chronique (EM/SFC). (Les COVID longs sont parfois des syndromes de fatigue chronique)

Deux études américaines publiées en février 2023 dans la revue Cell Host & Microbe examinent l'EM/SFC en relation avec le microbiote et les métabolites produits par les espèces microbiennes.

L'EM/SFC est une maladie chronique, complexe et systémique associée à des dysfonctionnements neurologiques, immunologiques, autonomiques et du métabolisme énergétique. (Qu'est-ce que le SFC ? [Critères diagnostiques])

Elle est reconnue depuis des décennies, mais ses causes restent mal comprises. Comme dans le cas de l'EM/COVID, on pense que, dans la plupart des cas, elle est déclenchée par l'exposition à des virus ou à d'autres agents infectieux. L'une des difficultés de l'étude de l'EM/SFC réside dans le fait que la maladie a tendance à être hétérogène, c'est-à-dire que toutes les personnes atteintes n'ont pas les mêmes antécédents médicaux ou les mêmes symptômes.

Le microbiote est récemment apparu comme un contributeur potentiel et un biomarqueur de l'EM/SFC, d'où l'importance de l'étudier.

Les deux nouvelles études montrent que l'EM/SFC est associé à une réduction des niveaux, dans le microbiote gastro-intestinal, de microbes connus pour produire l'acide gras butyrate. Ces perturbations pourraient expliquer en partie comment le système immunitaire est perturbé chez les personnes atteintes d'EM/SFC.

Étude 1

L'étude de Julia Oh du Jackson Laboratory et ses collègues (1) a comparé des échantillons de microbiote et des échantillons sanguins provenant de 74 personnes souffrant d'EM/SFC à court terme (diagnostiquées au cours des quatre dernières années) et 75 souffrant d'EM/SFC à long terme (plus de 10 ans) ainsi que de 79 personnes en santé appariées selon diverses caractéristiques.

  • Les personnes atteintes de la maladie à court terme présentaient un certain nombre de modifications de la diversité de leurs microbiotes. Elles présentaient un appauvrissement des microbes connus pour être des producteurs de butyrate. Le butyrate est important pour protéger l'intégrité de la barrière intestinale et est également connu pour jouer un rôle important dans la modulation du système immunitaire.

  • En revanche, les personnes atteintes d'une maladie de longue durée avaient des microbiomes intestinaux qui s'étaient rétablis et qui étaient plus semblables à ceux des témoins sains. Cependant, ces participants avaient accumulé un certain nombre de changements dans les métabolites de leur plasma sanguin, dont beaucoup de ceux liés au système immunitaire. Ils présentaient également des différences dans les niveaux de certains types de cellules immunitaires par rapport aux personnes en santé.

Étude 2

L'étude de Brent L. Williams de l'Université Columbia a utilisé une technologie de séquençage métagénomique pour examiner les microbiotes de 106 personnes atteintes d'EM/SFC et de 91 personnes en santé appariées selon diverses caractéristiques.

L'étude a notamment montré des relations significatives entre la sévérité des symptômes de fatigue et les niveaux de certaines espèces de bactéries intestinales - en particulier la bactérie productrice de butyrate Faecalibacterium prausnitzii. Elle s'est aussi intéressée aux métabolites dans les selles, ce qui a permis de mettre en évidence des niveaux réduits de métabolites du butyrate dans l'EM/SFC.

Conclusions

Des recherches supplémentaires sont nécessaires avant que ces résultats puissent être appliqués directement à de nouveaux traitements, indiquent les chercheurs. Mais ces résultats contribueront à la mise au point de nouveaux outils de diagnostic et pourraient aider au développement de meilleurs modèles animaux pour évaluer les hypothèses causales, les mécanismes et les traitements.

« Bien que ces résultats ne démontrent pas sans équivoque les relations de cause à effet entre les perturbations du microbiote et les symptômes, ces relations microbiome-symptôme présentent des cibles potentiellement exploitables et manipulables pour de futurs essais thérapeutiques », indique Williams.

« Ces essais pourraient peut-être se concentrer sur des interventions diététiques, probiotiques, prébiotiques ou synbiotiques (combinaison de probiotiques et prébiotiques) et pourraient fournir des preuves directes que les bactéries intestinales influencent la présentation des symptômes chroniques. » (Qu'est-ce que les probiotiques et les prébiotiques ? Dans quels aliments se trouvent-ils ?)

De futures études aideront à subdiviser davantage les patients en fonction des caractéristiques de leur maladie, y compris ceux qui présentent des conditions fréquemment associées à l'EM/SFC, comme le syndrome du côlon irritable et les troubles neuroinflammatoires, indique de son côté Oh.

Pour plus d'informations sur le syndrome de fatigue chronique, voyez les liens plus bas.

(1) Ruoyun Xiong, Courtney Gunter, Elizabeth Fleming, Suzanne D. Vernon, Lucinda Bateman, Derya Unutmaz, Julia Oh.

(2) Cheng Guo, Xiaoyu Che, Thomas Briese, Amit Ranjan, Orchid Allicock, Rachel A. Yates, Aaron Cheng, Dana March, Mady Hornig, Anthony L. Komaroff, Susan Levine, Lucinda Bateman, Suzanne D. Vernon, Nancy G. Klimas, Jose G. Montoya, Daniel L. Peterson, W. Ian Lipkin, Brent L. Williams.

Psychomédia avec sources : Columbia Mailman School, Cell Press, Cell Host & Microbe, Cell Host & Microbe.
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