Vendredi dernier, le tribunal de grande instance de Nanterre examinait la plainte d'une dame de 60 ans contre le groupe pharmaceutique français Servier, rapporte le Figaro.

"Pour perdre dix kilos", raconte le quotidien, cette femme a pris pendant onze ans de l'Isomeride (dexfenfluramine) et du Mediator (benfluorex), un médicament réservé à l'origine aux diabétiques ayant un surpoids puis prescrit aux personnes désireuses de perdre du poids. "Ce médicament est un dérivé des amphétamines et ses effets secondaires, longtemps méconnus, sont graves: maladie des valves cardiaques et hypertension pulmonaire", résume le quotidien.

"Après deux opérations à cœur ouvert, trois des quatres valves cardiaques de la plaignante sont aujourd'hui mécaniques. C'est le Pr Robert Grolleau, ancien chef du service cardiologie de l'hôpital Arnaud-de-Villeneuve à Montpellier, qui a établi le premier le lien entre la prise de ce médicament et les valvulopathies de sa patiente."

En août 1997, il lit un article dans le prestigieux New England Journal of Medecine, détaillant les effets néfastes du Mediator sur les valves cardiaques. «Cette femme avait une valvulopathie qui s'est progressivement aggravée et qui ne cadrait pas avec une valvulopathie d'origine rhumatismale ou infectieuse, explique-t-il. Je m'intéresse aux anorexigènes depuis longtemps et je savais que cette patiente en avait pris et continuait d'en prendre. Je suis certain que sa maladie vient de ce médicament.»

La plaignante demande 1,192 million d'euros de dommages et intérêts au laboratoire Servier. Le jugement a été mis en délibéré au 16 septembre.

Le 30 novembre 2009, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a ordonné une suspension de mise sur le marché de ce médicament; 300.000 personnes étaient sous traitement en France et 2 millions en avaient pris.

L'auteur d'un livre sur le médicament (dont le laboratoire Servier a récemment obtenu en cours que le titre soit changé), la pneumologue Irène Frachon, du CHU de Brest, estime que les problèmes graves imputables à ce médicament concerneraient 0,5 patient pour 1.000. L'avocat Charles-Joseph Oudin représente cinq patientes qui ont pris du Mediator. «Aujourd'hui, certaines d'entre elles envisagent la possibilité d'agir en responsabilité civile contre l'État, autrement dit contre l'Afssaps», confie-t-il.

Enfin, le Mediator s'est invité dans les questions du mercredi à l'Assemblée nationale, rapporte Le Figaro. Le député Gérard Bapt (PS), cardiologue, a mis sur le même plan "les atermoiements des autorités de santé" vis-à-vis de l'interdiction du bisphénol, du chlordécone et de la suspension de la commercialisation du Mediator.

«Je regrette l'inertie des agences (sanitaires) et la grande prudence avec laquelle on recourt au principe de précaution», a-t-il dit. Il existe selon lui des conflits d'intérêts importants, notamment dans les comités d'experts de l'Afssaps.

Psychomédia avec source:
Le Figaro