Les guerres menées par les États-Unis ou dans lesquelles ils sont impliqués durent plus longtemps sous les présidents qui obtiennent un score élevé de narcissisme, selon une étude publiée en septembre 2022 dans le Journal of Conflict Resolution.

L'étude a porté sur les 19 présidents ayant servi de 1897, à peu près au moment où les États-Unis sont devenus une grande puissance mondiale, jusqu'à George W. Bush en 2009.

Elle montre que les 8 présidents ayant obtenu un score de narcissisme supérieur à la moyenne ont passé en moyenne 613 jours en guerre, contre 136 jours pour les 11 dirigeants ayant obtenu un score inférieur à la moyenne.

Le lien entre le narcissisme et la durée de la guerre se maintient même en tenant compte d'autres facteurs susceptibles d'influencer celle-ci, indique l'auteur, John P. Harden, chercheur en psychologie politique au Ripon College (doctorant à l'Université d'État de l'Ohio lorsqu'il a mené cette étude).

« Les présidents plus narcissiques ont tendance à ne sortir des guerres que s'ils peuvent dire qu'ils ont gagné, et ils les prolongeront pour trouver un moyen de déclarer une sorte de victoire », décrit-il. « Ils veulent avoir l'air héroïque, fort et compétent, même si cela signifie de mener la guerre au-delà de ce qui est raisonnable. »

Cette étude s'appuie sur des travaux précédents (1) du chercheur qui ont montré que les présidents les plus narcissiques préféraient être à l'origine de conflits avec d'autres grandes puissances sans chercher le soutien de leurs alliés.

Afin de mesurer le narcissisme, Harden a utilisé un ensemble de données créé par trois chercheurs (2) pour évaluer la personnalité des présidents. Ils se sont basés sur les connaissances des historiens et d'autres experts qui avaient écrit au moins un livre sur un président. Chaque expert a rempli un inventaire de personnalité comportant plus de 200 questions sur le président qu'il étudiait.

À partir des résultats du test de personnalité revised NEO Personality Inventory pour les 19 présidents de 1897 à 2008, Harden a analysé cinq facettes liées au narcissisme grandiose : des niveaux élevés d'affirmation de soi et de recherche d'émotions ou de sensations fortes et des niveaux faibles de modestie, conformité et franchise.

Lyndon Johnson est le président ayant obtenu le score de narcissisme le plus élevé, suivi de Teddy Roosevelt et de Richard Nixon. Celui qui a obtenu le score le plus bas est William McKinley, suivi de William Howard Taft et de Calvin Coolidge.

Cette étude a utilisé la base de données Correlates of War qui définit la guerre comme étant un combat soutenu entre deux pays où il y a au moins 1 000 morts au combat sur une période d'un an. Avec cette définition, les États-Unis ont été impliqués dans 11 guerres au cours de la période étudiée.

Les présidents qui ont obtenu un faible score de narcissisme, comme McKinley et Dwight Eisenhower, « ont séparé leurs intérêts personnels des intérêts de l'État, ont considéré la guerre comme un dernier recours et ont cherché à en sortir rapidement », indique Harden. En revanche, Theodore Roosevelt, Franklin Roosevelt et Nixon, qui ont obtenu des scores élevés de narcissisme, « ont eu du mal à séparer leurs propres besoins des intérêts de l'État » et ont été impliqués dans de longues guerres.

Bien sûr, de nombreux facteurs déterminent si les États-Unis entrent en guerre et combien de temps les guerres durent, souligne Harden. Mais cette étude montre que le narcissisme des présidents est un facteur clé qui a été négligé dans les études précédentes.

Harden a examiné comment le narcissisme s'intégrait dans un modèle de durée des guerres américaines basé sur des variables qui peuvent prolonger les guerres selon d'autres études. Par exemple, la recherche montre que le terrain sur lequel une guerre est menée peut prédire la durée, ainsi que le fait que les présidents commencent la guerre ou en héritent, et l'équilibre des forces entre les combattants. À l'aide de ce modèle, il a constaté que le narcissisme des présidents peut prolonger les guerres, même après la prise en compte de ces facteurs.

Le narcissisme restait un facteur de prolongation des guerres en tenant aussi compte de facteurs tels que l'expérience militaire préalable d'un président, le fait que son mandat soit limité ou non, le contrôle du parti du président sur le Congrès et la guerre froide.

« Les présidents n'examinent pas toujours rationnellement les divers éléments en cause pour prendre leurs décisions en temps de guerre. De nombreux présidents l'ont fait, mais d'autres sont plus intéressés par leur propre intérêt que par celui de l'État », conclut le chercheur.

Il existe plusieurs raisons factuelles pour lesquelles les présidents narcissiques mèneraient des guerres plus longues, en plus de l'accent mis sur leurs intérêts personnels, estime Harden.

L'une d'elles est que les narcissiques ont des objectifs de guerre plus ambitieux : ils ont des attentes plus élevées en raison de leur agressivité et de leur confiance en leurs propres capacités.

« Ils adoptent également des stratégies inefficaces en raison de leur confiance excessive en leurs propres capacités et des objectifs contradictoires qui découlent de la volonté de maintenir leur image de soi. »

Enfin, les narcissiques, en raison de leur besoin de protéger leur image de soi démesurée, font des erreurs lorsqu'ils sont stressés et résistent à mettre à jour leurs stratégies malgré leurs échecs.

Pour plus d'informations sur le narcissisme, voyez les liens plus bas.

(1) John P Harden (2021), All the World’s a Stage: US Presidential Narcissism and International Conflict, International Studies Quarterly.

(2) Steven J. Rubenzer, Thomas R. Faschingbauer, Deniz S. Ones (2000), Assessing the U.S. presidents using the revised NEO Personality Inventory, Assessment.

Psychomédia avec sources : Ohio State University, Journal of Conflict Resolution.
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