Dans un entretien le 14 avril sur The Conversation, Yves Levy, directeur du Labex Vaccine Research Institute (VRI) qui travaille à la mise au point d'un vaccin contre la COVID-19, a expliqué les défis à relever.

M. Levy est professeur d’immunologie clinique et notamment ancien président-directeur général (2014-2018) de l'Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

The conversation: Si on a été infecté naturellement, est-on authentiquement immunisé ?

Aujourd’hui, personne ne sait si une personne infectée naturellement est authentiquement immunisée, a-t-il précisé en réponse à la question. « On peut avoir été infecté par un virus sans pour autant être immunisé contre celui-ci. Par exemple, le rhume banal que vous attrapez chaque hiver ne vous confère pas pour autant une protection. »

« C’est important à souligner au moment où l’on parle des tests sérologiques comme d’un “passeport” d’immunité : ce n’est pas parce qu’on est séropositif contre le SARS-CoV-2 (virus qui cause la COVID-19, ndlr) que l’on est forcément immunisé. On ne sait pas encore si ces anticorps obtenus protègent en cas de réinfection. Et au-delà de cette question, combien de temps persisterait une éventuelle immunité ? »

« Et quand bien même l’immunité obtenue après infection serait protectrice, pour bénéficier d’une protection de groupe, il faudrait que l’épidémie touche quasiment toute l’humanité, ce qui aurait d’importantes conséquences… » (Pour atteindre l'immunité collective, quelle proportion de la population doit contracter la covid-19)

À quels problèmes se heurte-t-on lorsqu’on essaie de mettre au point un vaccin contre la COVID-19 ?

Le chercheur explique que nous ne savons pas : 1) si les anticorps produits en réponse à l’infection sont protecteurs (en bloquant par exemple l’entrée du virus ou son cycle viral), 2) quel type de réponse immunitaire serait la plus efficace pour contrôler l’infection et 3) quelles sont les régions du virus à cibler pour obtenir un vaccin efficace.

En quoi votre stratégie diffère-t-elle des stratégies « traditionnelles » ?

« Notre stratégie est différente » des approches classiques, explique-t-il : « Il ne s’agit pas d’administrer un vaccin et d’observer la réponse induite, mais plutôt de guider le système immunitaire. Pour cela, nous utilisons des régions du virus qui nous semblent importantes pour activer des cellules spécifiques du système immunitaire : les cellules dendritiques. » (Les cellules dendritiques font partie du système immunitaire inné.)

Concrètement, comment ça fonctionne ?

« Les cellules dendritiques sont en quelque sorte les sentinelles de l’organisme. Présentes dans les organes lymphoïdes, le sang et les muqueuses, elles sont en première ligne. Ce sont elles qui reconnaissent tout ce qui est étranger à l’organisme et activent le système immunitaire. Une fois un agent infectieux repéré, elles l’ingèrent puis alertent les autres cellules du système immunitaire grâce à des médiateurs chimiques. Les cellules dendritiques exposent notamment des fragments (appelés antigènes) des pathogènes qu’elles ont digérés à leur surface. La présentation de ces fragments aux lymphocytes T et B va les activer et les préparer à combattre les intrus. Les cellules dendritiques sont donc celles qui orientent la réponse du système immunitaire vers une réponse lymphocytaire T, lymphocytaire B ou lymphocytaire T et B. »

La stratégie « consiste à cibler les cellules dendritiques et à leur faire présenter aux lymphocytes des régions du virus que nous avons sélectionnées ».

À quelle échéance peut-on espérer voir aboutir les travaux sur un vaccin contre le SARS-CoV-2, quel qu’il soit ?

Étant données des étapes de « durées incompressibles », à son avis, « les stratégies vaccinales n’aboutiront pas à un vaccin avant 18 mois à 2 ans, si tant est qu’elles aboutissent ».

Informations plus détaillées : Conversation avec Yves Lévy : « Si le SARS-CoV-2 persiste, seul un vaccin pourra diminuer le risque de pandémie »

Pour plus d'informations sur l'épidémie de la COVID-19, voyez les liens plus bas.

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