Les personnes alcooliques présentent des troubles plus ou moins graves des différentes composantes de la mémoire, et non pas seulement celles qui souffrent du syndrome de Korsakoff (1), selon une récente recherche de l'Inserm. On estime qu'en France deux millions de personnes sont alcooliques (ont une dépendance à l'alcool).

On considérait jusqu'à présent que l'alcoolisation chronique n'amenait de déficit de la mémoire que dans le cas d'un syndrome
amnésique sévère, dit syndrome de Korsakoff. Ce dernier touche une faible proportion de patients alcooliques et survient principalement en cas d'association avec une importante carence en vitamine B1 (thiamine).

L'équipe dirigée par Anne-Lise Pitel a mené des tests chez un groupe de patients alcooliques Korsakoff, un groupe de patients alcooliques non Korsakoff et un groupe témoin non alcoolique. Les participants devaient, par exemple, apprendre 6 mots présentés à 6 endroits et 6 moments différents et se souvenir d'un maximum de mots possibles à la fin de la journée ainsi que des moments et lieux où ils avaient été présentés.

Les résultats ont montré que les patients alcooliques, qu'ils présentent un syndrome de Korsakoff ou non, ont des troubles similaires de la mémoire, à différents degrés.

Il s'agit à la fois de perturbations de la mémoire épisodique (celle qui permet de se remémorer des événements, de se projeter dans l'avenir) et de la mémoire de travail (qui permet, par exemple, de se souvenir d'un numéro de téléphone juste après l'avoir regardé).

La seule différence observée chez les patients Korsakoff est un déficit plus sévère de la mémoire épisodique. Chez les patients alcooliques non-Korsakoff, les déficits les plus sévères de la mémoire épisodique correspondent à ceux des patients Korsakoff aux troubles les moins sévères.

"Il apparaît essentiel de réexaminer la théorie de la continuité des effets de l'alcool sur la cognition, proposée au début des années 70, puis abandonnée." explique Anne-Lise Pitel. "Nos travaux suggèrent aujourd'hui qu'il existe bien une progression régulière des atteintes mnésiques des patients alcooliques, mais indépendante des modalités de consommation d'alcool (quantité, durée, âge de début...). Le degré d'atteinte est probablement lié à une susceptibilité individuelle, peut-être génétiquement déterminée, aux effets de l'alcool sur le cerveau."

Sachant qu'actuellement lors des sevrages on ne prend pas nécessairement en compte les troubles cognitifs des patients s'ils ne sont pas touchés par le syndrome de Korsakoff, les chercheurs estiment indispensable la mise en place d'une évaluation neuropsychologique systématique des patients alcooliques. Ce qui permettrait d'améliorer les prises en charge et d'éviter l'évolution vers l'amnésie ; d'autant qu'il existe des traitements préventifs contre le syndrome.

PsychoMédia avec source:
Inserm, communiqué de presse

(1) Le syndrome de Korsakoff est un syndrome amnésique avec désorientation dans le temps et l'espace, manque d'initiative, fausse reconnaissance et parfois, fabulation. Résultat d'une atteinte du cerveau bilatérale touchant le circuit constitué par l'hippocampe, les corps mamillaires et le thalamus. En général cette atteinte est le résultat d'une carence en vitamines B1 causée par un alcoolisme chronique.

(2) Laboratoire « Neuropsychologie cognitive et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine » à Caen de l'Institut nationale de la santé et de la recherche médical (Inserm). Ces travaux sont publiés dans la revue Alcoholism : Clinical and Experimental Research.


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