Le journaliste Anahad O'Connor du New York Times a interviewé le Dr David Ludwig, endocrinologue, professeur de nutrition à la Harvard T.H. Chan School of Public Health et auteur d'un récent livre, « Always Hungry ? » ( « Toujours faim ? »).

L'auteur fait valoir que le gain de poids commence quand les gens consomment les mauvais types d'aliments, qui déséquilibrent les hormones et déclenchent un cycle de fringales, de faim et de boulimie.

Il explique que le principal moteur de l'obésité n'est pas un excès de calories en soi, mais un excès d'aliments à indice glycémique élevé comme le sucre, les céréales raffinées et d'autres glucides transformés.

Voici des extraits de l'interview (traduction Psychomédia) :

Q.
Quel est le message de base de votre livre ?

R.
Le processus de devenir en surpoids entraîne en soi une tendance à manger trop. Simplement couper les calories, comme il est généralement recommandé de faire, ne fait qu'empirer la situation.

Lorsque nous réduisons le nombre de calories, notre corps réagit en augmentant la faim et le métabolisme ralentit afin de ne pas dépenser les calories. Ce qui rend la perte de poids de plus en plus en plus difficile avec une alimentation faible en calories et crée une bataille entre l'esprit et le métabolisme que nous sommes condamnés à perdre.

Q.
Mais on se fait dire que l'obésité est causée par le fait de trop manger. N'est-ce pas le cas ?

R.
Nous pensons à l'obésité comme un état d'excès, mais en réalité cet état est plus proche d'un état de faim. Si les cellules adipeuses stockent trop de calories, le cerveau n'a pas accès à suffisamment de calories pour s'assurer que le métabolisme fonctionne correctement. Donc, il suscite la faim dans une tentative de résoudre le problème, ce qui amène à se suralimenter et à se sentir mieux temporairement. Mais si les cellules adipeuses continuent à emmagasiner trop de calories, alors nous sommes coincés dans ce cycle sans fin de suralimentation et de gain de poids. Le problème n'est pas qu'il n'y a pas trop de calories dans les cellules adipeuses, c'est plutôt qu'il y en a trop peu dans la circulation sanguine. Réduire les calories ne peut pas fonctionner.

Q.
C'est très différent de la sagesse conventionnelle selon laquelle la perte de poids se résume aux calories ingérées et aux calories dépensées.

R.
Oui. Une analogie serait d'essayer de traiter une fièvre avec un bain de glace. Imaginez que vous allez à l'hôpital avec une fièvre très élevée, et que le médecin dise « la fièvre est tout simplement un problème d'équilibre de chaleur - trop de chaleur dans le corps, pas assez de chaleur qui sort du corps ». Ce qui est vrai du point de vue de la physique. Le médecin décide de vous mettre dans un bain de glace. Cela va fonctionner temporairement. La fièvre diminuera. Mais votre corps va se battre furieusement avec des frissons sévères et une constriction des vaisseaux sanguins et vous vous sentirez misérable. Pour cette raison, des bains de glace ne sont pas un traitement populaire pour la fièvre.

Q.
Alors, dans cette analogie, comment traitez-vous la cause sous-jacente ?

R.
Une approche beaucoup plus efficace est d'abaisser le point d'équilibre de la température du corps, ce qui est fait avec des médicaments comme l'aspirine. Mettez la biologie de votre côté en mangeant de la bonne façon, et la perte de poids se produit naturellement comme une fièvre baisserait si vous traitez sa cause sous-jacente.

Q.
Si ce n'est pas de trop manger, alors quelle est la cause sous-jacente de l'obésité ?

R.
C'est l'alimentation faible en gras et très élevée en glucides, que nous avons depuis les 40 dernières années, qui augmente les niveaux d'insuline et programme les cellules graisseuses pour un emballement du stockage de calories.

Lorsque les gens reçoivent, pour la première fois, un diagnostic de diabète de type 1, leur taux de glycémie (niveau de sucre dans le sang) est élevé parce qu'ils ne peuvent pas produire assez d'insuline. Ils ont invariablement perdu du poids. Ils peuvent manger 5000 calories par jour, et ils perdent encore du poids. Vous ne pouvez pas prendre du poids sans insuline.

L'inverse est également vrai. Si vous donnez trop d'insuline à des gens qui ont le diabète, ils vont inévitablement prendre du poids. L'insuline programme le corps à stocker des calories, et la plupart de ces calories sont stockées dans les cellules adipeuses. Si vous avez trop d'insuline, vous allez stocker trop de calories. Cela a été très bien établi scientifiquement.

Q.
Comment faire pour réduire la production d'insuline chez les gens obèses ?

R.
La meilleure façon de réduire l'insuline est de réduire les glucides transformés et de consommer le bon équilibre de protéines et de graisses. Une alimentation riche en graisses est vraiment le meilleur moyen de modifier le métabolisme. Elle abaisse l'insuline, diminue l'activité des cellules graisseuses et permet de sortir du cycle de la faim, des fringales et de la suralimentation.

Q.
Il semble que le programme que vous préconisez soit le régime Atkins.

R.
Non, c'est différent. Le régime Atkins est un régime très faible en glucides, qui, dans sa forme classique, ne permet pas beaucoup de fruits et encore moins tout autre glucide. Beaucoup de gens n'ont pas besoin de la rigueur d'un régime très pauvre en glucides. Je pense que, sauf pour les personnes ayant des problèmes métaboliques déjà très graves comme le diabète de type 2, ces régimes restrictifs ne sont généralement pas nécessaires.

Q.
Comment fonctionne ce programme ?

R.
Notre programme comporte trois phases. La première consiste à abandonner les glucides transformés, les sucres ajoutés et les produits céréaliers pour deux semaines. Les glucides consommés sont des légumes non féculents, des fruits et des légumineuses. Après deux semaines, nous introduisons les grains entiers, les pommes de terre (sauf les blanches) et un peu de sucres ajoutés. Cela, jusqu'à ce que le poids descende à un nouveau point d'équilibre inférieur. Ce qui peut prendre quelques semaines, ou plusieurs mois pour quelqu'un qui a un problème de poids plus important.

Q.
Quelle est votre position sur les graisses saturées ?

R.
Je pense que, à travers les instances de santé publique, nous reconnaissons que les graisses saturées ne sont pas l'ennemi n° 1 de la santé publique. Mais également, ils ne sont pas nécessairement bons pour la santé. Il y a beaucoup de types différents de graisses saturées, et chacun a des effets différents sur le corps. Mais lorsque vous réduisez les glucides transformés et que votre taux d'insuline diminue, les graisses saturées que vous consommez brûlent plus rapidement et ne restent pas dans le corps aussi longtemps.

Nous devons arrêter de penser que les graisses saturées sont soit bonnes, soit mauvaises. Notre plan de repas est basé sur des aliments entiers naturels, qui incluent les graisses saturées. Mais nous nous assurons d'équilibrer cela avec beaucoup de graisses mono et polyinsaturées comme l'huile d'olive, les noix, l'avocat et l'huile de lin.

Q.
Qu'est-ce que vous voulez que les gens retiennent de ce livre ?

R.
Tant que nous ne nous occuperons pas des facteurs sous-jacents au gain de poids - un emballement du stockage des calories par les cellules adipeuses - nous allons être dans une bataille entre l'esprit et le métabolisme que nous ne pouvons pas gagner. Couper les calories ne résout pas le problème. Cela ne change pas la biologie. Pour changer la biologie, vous devez changer les types d'aliments que vous mangez.

Psychomédia avec source : New York Times.
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