« Nous ne sommes pas faits pour vivre dans le moment présent », écrit le psychologue Martin E.P. Seligman, considéré comme pionnier de la psychologie positive, dans le New York Times.

L'Homo sapiens (homme sage) aurait été mieux appelé Homo Prospectus (homme qui fait de la prospection), estime-t-il dans cet article qui présente les idées de son livre « Homo Prospectus » (1) et du nouveau champ de recherche de la « psychologie prospective » qu'il a initié avec des collègues.

Qu'est-ce qui rend l'humain sage ? Qu'est-ce qui le distingue des autres animaux ? Diverses réponses ont été proposées - le langage, les outils, la coopération, la culture - mais aucune n'est unique aux humains. « Ce qui distingue le mieux notre espèce est une capacité que les scientifiques commencent à apprécier : nous contemplons le futur. »

« Cette capacité singulière de prévoyance a créé la civilisation et soutient la société. »

« Le pouvoir de prospection est ce qui nous rend sages. Regarder l'avenir, consciemment et inconsciemment, est une fonction centrale de notre volumineux cerveau, comme l'ont découvert tardivement les psychologues et les neuroscientifiques. »

Nos émotions, par exemple, « sont moins des réactions au présent que des guides pour les comportements futurs. Des psychothérapeutes explorent de nouvelles façons de traiter la dépression maintenant qu'ils la considèrent comme n'étant pas principalement causée par des traumatismes passés et des tensions actuelles, mais par les visions de ce qui nous attend. »

« Le rôle central de la prospection a émergé dans des études récentes des processus mentaux conscients et inconscients, comme l'une à Chicago dans laquelle près de 500 personnes enregistraient leurs pensées et leurs humeurs du moment pendant la journée. »

« Si la théorie psychologique traditionnelle était correcte, ces personnes auraient passé beaucoup de temps à ruminer. Mais elles pensaient en fait au futur trois fois plus souvent qu'au passé, et même ces quelques réflexions sur un événement passé impliquaient généralement la considération de ses implications futures. »

Quand elles faisaient des plans, elles rapportaient des niveaux plus élevés de bonheur et moins élevés de stress qu'à d'autres temps, vraisemblablement parce que la planification transforme une masse chaotique de préoccupations en une séquence organisée. Bien qu'elles craignaient parfois ce qui pourrait mal tourner, en moyenne, il y avait deux fois plus de réflexions sur ce qu'elles espéraient se produire.

Autre exemple, la mémoire à long terme a souvent été comparée à une archive, mais ce n'est pas son objectif principal, explique Seligman. « Au lieu d'enregistrer fidèlement le passé, elle continue à réécrire l'histoire. Se souvenir d'un événement dans un nouveau contexte peut entraîner l'insertion de nouvelles informations dans la mémoire dont le but est d'améliorer la capacité à faire face au présent et au futur. Pour exploiter le passé, nous le métabolisons en extrayant et en recombinant les informations pertinentes pour s'adapter à de nouvelles situations. »

Même lorsque nous nous détendons, le cerveau recombine continuellement l'information pour imaginer l'avenir. Des chercheurs ont constaté que lorsqu'il y a une interruption dans une tâche spécifique qui demande de la concentration, « il y a un changement brusque de l'activité dans le circuit “par défaut” du cerveau, qui sert à imaginer le futur ou à retoucher le passé ».

Cette découverte explique ce qui se passe lorsque notre esprit erre au cours d'une tâche : il simule les possibilités futures. C'est ainsi que nous pouvons répondre rapidement aux situations inattendues. Ce qui peut être ressenti comme une intuition primitive est rendu possible par ces simulations précédentes.

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(1) 2016, coécrit avec les psychologues Peter Railton, Roy F. Baumeister et Chandra Sripada.

Psychomédia avec sources : New York Times, Prospective psychology.
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