Comme de très nombreuses fonctions de l’organisme, l’intensité de la douleur est contrôlée par l’horloge circadienne interne, montre une étude française publiée en juillet 2022 dans la revue Brain.

Elle montre que cette intensité (sensibilité) « oscille sur 24 heures avec un pic la nuit et une baisse dans l’après-midi indépendamment de toute stimulation extérieure et du cycle veille-sommeil. »

« Cette découverte pourrait aboutir à de nouvelles approches pour le traitement de la douleur », souligne le communiqué des chercheurs de l'Inserm.

« Le niveau d’activité de nombreuses fonctions de l’organisme est régulé par une horloge interne calée sur un rythme d’environ 24 heures : le système veille/sommeil, la température corporelle, la pression artérielle, la production d’hormones, la fréquence cardiaque, mais aussi les capacités cognitives, l’humeur ou encore la mémoire. » À cette liste, s'ajoute la douleur, montre la nouvelle étude.

Claude Gronfier, chercheur au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm) et ses collègues (1) ont mené cette étude avec douze jeunes adultes en laboratoire dans des conditions d’isolation temporelle et de routine constante. « Ils les ont maintenus éveillés pendant 34 heures sans qu’aucun signal externe ni rythme environnemental ne leur parviennent : pas d’horaire, pas de repas à heure fixe mais une collation chaque heure, une température et une faible luminosité constantes, pas de changement de posture (position semi-allongée) et pas de rythme d’activité/repos. »

Les participants, dont l’avant-bras était exposé à une source de chaleur toutes les deux heures, devaient indiquer quand le stimulus devenait douloureux lors de l’augmentation de la température ainsi que l’intensité de la douleur sur une échelle de 1 à 10 lors de l’application d’une température de 42, 44 ou 46 degrés Celsius.

Une variation sur 24 heures

Chez tous les participants, une rythmicité de la sensation douloureuse était observée au cours des 24 heures. « Les résultats sont très homogènes avec une association extrêmement significative », indique Claude Gronfier.

L’intensité de la douleur variait sur 24 heures avec une intensité maximale entre 3 et 4 heures du matin et minimale autour de 15 et 16 heures l’après-midi, indépendamment du comportement et de tout facteur extérieur de l’environnement.

Comme le suggéraient de précédents travaux sans l’avoir démontré, « la sensibilité à la douleur augmentait de façon linéaire avec la dette de sommeil : plus la dette de sommeil est importante, plus l’intensité de la douleur ressentie l’est également ».

« Il est souvent dit que le sommeil a une action antalgique. Mais en modélisant mathématiquement nos résultats, nous montrons que l’horloge interne est responsable de 80 % de la variation de la sensation douloureuse au cours de 24 heures, contre seulement 20 % pour le sommeil », clarifie le chercheur. (Comment le sommeil influence la sensibilité à la douleur)

Cette variation circadienne de la douleur a certainement une utilité physiologique, estime le chercheur. « On ne sait pas pourquoi la sensibilité est maximale au milieu de la nuit. On peut penser que l’évolution a mis cela en place afin d’être réveillé rapidement en cas de contact douloureux et d’éviter une menace vitale. Pendant la journée, l’individu est conscient de l’environnement et plus facilement sujet aux blessures ; ce signal d’alerte pourrait donc être moins nécessaire. »

« Cette découverte s’intègre dans le concept de la médecine personnalisée, et plus exactement de la médecine circadienne. Celle-ci est en train d’émerger et tient compte des rythmes biologiques dans la prise en charge des patients », souligne le communiqué de l'Inserm.

« Il est légitime de penser qu’améliorer la synchronisation des rythmes biologiques et/ou la qualité du sommeil chez des individus souffrant de douleurs chroniques pourrait participer à une meilleure prise en charge thérapeutique », estime le chercheur.

« Tout comme la chronothérapeutique du cancer a fait ses preuves avec une meilleure efficacité et une toxicité réduite en cas d’administration des médicaments à certains moments de la journée, adapter un traitement antalgique selon le même procédé en tenant compte du rythme biologique de chaque individu, pourrait accroître son efficacité tout en réduisant la dose nécessaire et les potentiels effets indésirables. » (La chronothérapie qui tient compte des rythmes biologiques améliore le traitement du cancer)

« Mais cette hypothèse reste à valider par des essais cliniques avant de pouvoir proposer cette approche chronobiologique aux patients », prévient-il.

Pour plus d'informations, voyez les liens plus bas.

(1) Inès Daguet, Véronique Raverot, Didier Bouhassira.

Psychomédia avec sources : Inserm, Brain.
Tous droits réservés.