L'utilisation de médicaments contre l'hypertension, l'hyperglycémie et les taux élevés de cholestérol, n'est pas accompagnée d'une amélioration de l'alimentation, montrent trois études publiées simultanément en septembre 2023 dans le Canadian Journal of Cardiology (CJC).

Il est tentant d'interpréter ce constat « comme une indication que les personnes qui ont ces problèmes de santé jugent plus simple et plus facile de prendre des médicaments que de changer leur alimentation », commente Jean-Philippe Drouin-Chartier, professeur à la Faculté de pharmacie de l'Université Laval (Québec).

« Nous pensons toutefois qu'au-delà de la responsabilité individuelle, des facteurs qui relèvent des professionnels de la santé, du système de santé et de choix de société contribuent à expliquer ce que nous avons observé dans nos travaux », ajoute-t-il.

Le chercheur et ses collaborateurs ont eu recours à une base de données contenant des informations sur plus de 43 000 adultes du Québec qui ont fourni périodiquement des informations sur leur santé et leur alimentation.

Ils ont recensé les personnes qui avaient des taux élevés de cholestérol ou de glucose sanguin ou qui avaient une pression artérielle élevée. Ils ont ensuite comparé l'alimentation de celles qui prenaient des médicaments pour traiter ces conditions à celle des personnes qui n'en prenaient pas.

Dans les trois études, le constat est le même, résume le chercheur.

« Les personnes qui utilisent des médicaments ont une alimentation de plus faible qualité que les personnes qui n'en prennent pas. »

« Dans certains groupes, particulièrement chez les personnes plus jeunes, la qualité de l'alimentation est inversement associée à l'usage des médicaments ou à l'intensité de la médication. Plus elles prennent de médicaments, moins leur alimentation est saine. »

« Les lignes directrices pour la prise en charge des personnes ayant des problèmes de cholestérol, de glucose sanguin ou de pression artérielle préconisent, dans un premier temps, une modification des habitudes de vie », rappelle le professeur. « Lorsque les résultats ne sont pas satisfaisants, on recommande alors d'envisager la médication. »

« Nos résultats indiquent qu'il y a un manque important de complémentarité et d'adéquation entre la qualité de l'alimentation, l'usage des médicaments et l'intensité de leur utilisation », constate le chercheur.

« Une partie du problème pourrait être attribuable au fait que les personnes qui prennent des médicaments pour traiter leur condition de santé peuvent se sentir protégées et croire qu'elles peuvent manger tout ce qu'elles veulent. Mais il y a des causes qui ne relèvent pas des individus », poursuit-il.

« Par exemple, il est fort probable que la perception d'efficacité supérieure des médicaments par rapport à l'alimentation soit répandue chez les professionnels de la santé. Par ailleurs, dans le réseau public, il est beaucoup plus facile d'obtenir une prescription de médicaments que d'avoir accès aux conseils de nutritionnistes-diététistes. Comme société, nous investissons beaucoup d'argent dans le traitement de la maladie et très peu en prévention. »

Le problème doit être attaqué sur trois fronts, enchaîne le chercheur.

  • « Il faut sensibiliser davantage les personnes aux prises avec des problèmes de santé à l'importance de modifier leurs habitudes de vie. Les médicaments agissent souvent sur un élément particulier, le cholestérol par exemple, alors que l'alimentation agit sur toutes les composantes de la santé. »

  • « Il faudrait aussi miser davantage sur la collaboration interprofessionnelle entre médecins, nutritionnistes-diététistes et pharmaciens afin d'assurer une complémentarité entre la qualité de l'alimentation et la médication. »

  • Enfin, comme société, il est important de consentir davantage d'efforts et d'argent à la prévention. »

Rappelons que l'activité physique, telle que la marche ou les activités du quotidien, est également importante pour la gestion de l'hypertension, du diabète et l'excès de cholestérol.

Au Québec, plus du tiers des personnes de 65 ans et plus prennent au moins une dizaine de médicaments d’ordonnance dans une année, selon les données de l’Institut national de santé publique (INSPQ).

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Psychomédia avec sources : Université Laval, CJC Open, CJC Open, CJC Open.
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