Améliorer l'alimentation peut aider à protéger non seulement la santé physique mais aussi la santé mentale, selon les auteurs d'une analyse publiée dans le 30 juin dans le British Medical Journal - Nutrition, Prevention & Health.

Des recherches épidémiologiques ont montré que des habitudes alimentaires saines ou correspondant au régime méditerranéen sont associées à un risque réduit de dépression.

Cette alimentation est caractérisée par une consommation élevée de fruits, légumes, noix et légumineuses ; une consommation modérée de volaille, d'œufs et de produits laitiers ; et consommation occasionnelle de viande rouge.

Toutefois, la nature de la relation entre alimentation et dépression est compliquée par le potentiel évident de causalité inverse, une humeur déprimée pouvant entrainer une alimentation déficiente.

Tout en reconnaissant la nature complexe et multidirectionnelle des relations entre l'alimentation et la santé mentale, Joseph Firth de la division de Psychologie et de Santé mentale de la faculté de Biologie et de Médecine de l'Université de Manchester (Royaume-Uni) et ses collègues se sont concentrés sur les façons dont certains aliments et modes d'alimentation pourraient affecter la santé mentale.

Les effets de certains aliments ou régimes alimentaires sur la glycémie, sur l'activation immunitaire et sur le microbiote intestinal peuvent jouer un rôle dans les relations entre l'alimentation et l'humeur.

Glucides, glycémie et humeur

Une alimentation à indice glycémique et charge glycémique élevés (par exemple, contenant de grandes quantités de glucides raffinés - tels que la farine blanche et le riz blanc - et de sucres) peut avoir un effet néfaste sur le bien-être psychologique.

L'indice glycémique est un classement des aliments contenant des glucides en fonction de la vitesse à laquelle ils sont digérés, absorbés, métabolisés et, finalement, affectent les niveaux de glucose et d'insuline dans le sang.

Des données issues de recherches longitudinales montrent une association entre un indice glycémique alimentaire plus élevé et l'incidence des symptômes dépressifs.

Des études cliniques ont également montré les effets causaux potentiels des glucides raffinés sur l'humeur ; l'exposition expérimentale à une alimentation à forte charge glycémique dans des environnements contrôlés augmente les symptômes dépressifs chez des volontaires sains, avec un effet modérément important.

Bien que l'humeur elle-même puisse affecter les choix alimentaires, il existe des mécanismes plausibles par lesquels une consommation élevée de glucides raffinés pourrait augmenter le risque de dépression et d'anxiété, par exemple par des augmentations et des diminutions répétées et rapides de la glycémie.

Par ailleurs, une charge glycémique alimentaire élevée et les réponses compensatoires qui en résultent pourraient faire baisser le glucose sanguin à des concentrations qui déclenchent la sécrétion d'hormones contre-régulatrices telles que le cortisol, l'adrénaline, l'hormone de croissance et le glucagon.

Des recherches expérimentales sur l'humain ont montré que ces hormones peuvent provoquer des changements dans l'anxiété, l'irritabilité et la faim.

Des recherches observationnelles ont aussi montré que l'hypoglycémie récurrente est associée à des troubles de l'humeur.

Une alimentation avec un indice glycémique élevé est aussi un facteur de risque pour le diabète, qui est souvent un état comorbide avec la dépression. Des anomalies communes au diabète et à la dépression (résistance à l'insuline, volume cérébral et performances neurocognitives) confirment l'hypothèse d'un chevauchement de la physiopathologie de ces deux maladies.

De plus, la réponse inflammatoire aux aliments à indice glycémique élevé soulève la possibilité qu'une alimentation à indice glycémique élevé soit associée à des symptômes de dépression en raison des liens plus larges entre la santé mentale et l'activation immunitaire.

Alimentation, activation immunitaire et dépression

Des études ont montré que le régime méditerranéen peut réduire les marqueurs d'inflammation chez l'humain. D'autre part, les repas riches en calories et en graisses saturées semblent stimuler l'activation immunitaire.

En effet, les effets inflammatoires d'une alimentation riche en calories et en graisses saturées ont été proposés comme étant un mécanisme par lequel l'alimentation occidentale peut avoir des effets néfastes sur la santé du cerveau, notamment le déclin cognitif, le dysfonctionnement de l'hippocampe et la détérioration de la barrière hémato-encéphalique.

Étant donné que divers problèmes de santé mentale, dont les troubles de l'humeur, ont été liés à une inflammation accrue, ce mécanisme présente également une voie par laquelle une alimentation déficiente pourrait augmenter le risque de dépression.

Cette hypothèse est soutenue par des études observationnelles qui ont montré que les personnes souffrant de dépression consomment plus d'aliments qui sont associés à l'inflammation (par exemple, les graisses trans et les glucides raffinés) et moins d'aliments qui sont censés avoir des propriétés anti-inflammatoires (par exemple, les oméga-3). Mais les rôles causaux d'aliments proinflammatoires dans la santé mentale n'ont pas encore été établis.

Néanmoins, des essais contrôlés randomisés d'agents anti-inflammatoires (par exemple, les inhibiteurs de cytokines et les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens) ont montré qu'ils peuvent réduire de manière significative les symptômes de dépression.

Des composants nutritionnels spécifiques (par exemple, les polyphénols et les graisses polyinsaturées) et les habitudes alimentaires générales (par exemple, un régime méditerranéen) peuvent également avoir des effets anti-inflammatoires, ce qui soulève la possibilité que certains aliments puissent soulager ou prévenir les symptômes dépressifs associés à un état inflammatoire accru. (Comment adopter une alimentation anti-inflammatoire pour prévenir les maladies chroniques)

Une étude récente apporte un soutien préliminaire à cette possibilité. Elle montre que les médicaments qui stimulent l'inflammation induisent généralement des états dépressifs, et la prise d'oméga-3 avant le médicament semble prévenir l'apparition de la dépression induite par les cytokines.

Toutefois, comme l'inflammation ne se produit que chez certaines personnes cliniquement déprimées, les interventions anti-inflammatoires peuvent ne profiter qu'à certaines personnes.

Des recherches interventionnelles supplémentaires sont nécessaires pour établir si les améliorations de la régulation immunitaire, induites par l'alimentation, peuvent réduire les symptômes de dépression chez les personnes atteintes de maladies inflammatoires.

Cerveau, microbiote intestinal et humeur

Une explication plus récente de la manière dont l'alimentation peut affecter le bien-être mental est l'effet des habitudes alimentaires sur le microbiote intestinal. Celui-ci interagit avec le cerveau de manière bidirectionnelle en utilisant des voies de signalisation neurales, inflammatoires et hormonales.

Le rôle des interactions altérées entre le cerveau et le microbiote sur la santé mentale a été proposé sur la base des preuves suivantes : le comportement émotionnel de rongeurs change en fonction des modifications du microbiote, une dépression majeure chez l'humain est associée à des altérations du microbiote, et le transfert de microbiote fécal d'humain souffrant de dépression vers des rongeurs semble induire des comportements animaux indiquant des états dépressifs. De telles conclusions suggèrent un rôle des métabolites microbiens neuroactifs altérés dans les symptômes de dépression.

Outre les facteurs génétiques et l'exposition aux antibiotiques, l'alimentation est un déterminant potentiellement modifiable de la diversité, de l'abondance relative et de la fonctionnalité du microbiote tout au long de la vie.

Par exemple, les effets neurocognitifs de l'alimentaire occidentale et le rôle médiateur possible d'une activation immunitaire systémique de faible niveau peuvent résulter d'une couche de mucus altérée avec ou sans augmentation de la perméabilité épithéliale. Une telle diminution de la fonction de la barrière intestinale a été liée à un microbiote « malsain » résultant d'une alimentation pauvre en fibres et riche en graisses saturées, en sucres raffinés et en édulcorants artificiels.

Inversement, une alimentation riche en fibres, en polyphénols et en acides gras insaturés (telle que dans le régime méditerranéen) peut favoriser les microbes intestinaux métabolisant ces apports en métabolites anti-inflammatoires, tels que les acides gras à chaîne courte, tout en réduisant la production d'acides biliaires secondaires et de p-crésol.

Une étude récente a montré que la consommation de certains probiotiques par des personnes en bonne santé peut modifier la réponse du cerveau à une tâche qui requiert une attention émotionnelle et peut même réduire les symptômes de la dépression. (Qu'est-ce que les probiotiques et les prébiotiques ? Dans quels aliments se trouvent-ils ?)

Cependant, aucune relation de cause à effet entre des microbes spécifiques, ou leurs métabolites, et les émotions humaines complexes n'a été établie jusqu'à présent. Il reste à déterminer si des modifications du microbiote induites par l'alimentation peuvent affecter les symptômes de la dépression ou les troubles dépressifs cliniques, et à quel moment cela pourrait se produire.

Recherches futures

Il est important de se rappeler, soulignent les chercheurs, que les causes des maladies mentales sont nombreuses et variées, et qu'elles se présentent et persistent souvent indépendamment de l'alimentation.

« Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les mécanismes qui lient l'alimentation et le bien-être mental et pour déterminer comment et quand la nutrition peut être utilisée pour améliorer la santé mentale. »

Pour plus d'informations sur la dépression, l'alimentation et la dépression, la psychiatrie nutritionnelle, l'alimentation anti-inflammatoire et l'alimentation et le microbiote, voyez les liens plus bas.

Psychomédia avec source : BMJ Nutrition, Prevention & Health.
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