« Presque tout le monde a de la difficulté à toujours agir dans son intérêt individuel et collectif, en particulier lorsqu'il faut renoncer à une alternative plus agréable dans l'immédiat. »

Angela L. Duckworth du département de Psychologie de l'Université de Pennsylvanie et ses collègues (1) ont réalisé une analyse de la littérature scientifique et une synthèse des approches visant à réduire les « échecs de contrôle de soi » et favoriser de meilleurs choix.

Ils proposent une classification de toutes les stratégies recensées autres que la simple volonté.

Leur classification repose sur deux distinctions :

  • Les stratégies déployées par la personne et celles déployées par les autres

    Dans le premier cas, les individus prennent des mesures délibérées pour améliorer leurs décisions. Dans le second, les individus peuvent être inattentifs à des mesures que d'autres prennent pour eux.

  • Les stratégies qui ciblent la situation d'une personne et celles qui ciblent ses cognitions.

    Résister à la tentation - ce qui est habituellement vécu comme étant exigeant, fatigant et désagréable - fait appel aux stratégies cognitives. Alors que les stratégies situationnelles peuvent être particulièrement efficaces dans la mesure où elles peuvent être exécutées bien avant que les impulsions ne soient suffisamment fortes pour être difficiles à combattre.

Duckworth et ses collègues présentent les données probantes pour chacune des stratégies. Certaines sont appuyées par des données probantes alors que pour d'autres, les études doivent se poursuivre. Nous nous limitons ici à une très brève description de ces stratégies.

Interventions déployées par la personne elle-même
Les interventions situationnelles typiquement déployées par la personne
  • Les dispositifs d'engagement

    Les gens ont tendance à faire des choix plus autocontrôlés lorsqu'ils décident de l'avenir (p. ex. commander un repas pour demain) que pour le présent.

    « En principe, les décideurs avertis peuvent améliorer leur bonheur futur en éliminant volontairement les options qu'ils auraient autrement à leur disposition dans l'avenir. » Les exemples sont multiples (tels que supprimer intentionnellement un jeu d'un iPad…).

  • L'inclusion contrôlée de tentations dans l'engagement

    Une variante des dispositifs d'engagement standards donne l'occasion d'intégrer des activités indulgentes (ex. manger des aliments malsains ) de façon contrôlée.

  • La modification de la situation

    Éliminer les tentations de son environnement.

  • La psychothérapie comportementale

    La psychothérapie comportementale consiste à identifier les stimuli de l'environnement qui déclenchent ou renforcent les comportements.

    Par exemple, chez un fumeur qui essaie d'arrêter de fumer, la rechute peut être déclenchée par des amis qui fument à une fête. Les approches comportementales de traitement de l'abus de substances incluent la recommandation d'éviter les situations qui incluent des éléments déclencheurs et renforçateurs. De même, les récompenses extrinsèques (par exemple, les éloges d'êtres chers, les paiements pour des analyses de sang ou d'urine « propres ») peuvent être utilisées pour renforcer un comportement sain.

    Les techniques de thérapie comportementale sont presque toujours étroitement liées aux techniques de thérapie cognitive.

Les interventions cognitives typiquement déployées par la personne
Les interventions déployées par les autres
Les interventions cognitives typiquement déployées par les autres
  • Les normes sociales descriptives

    Lorsque les gens apprennent que la majorité de leurs pairs adoptent un certain comportement, ils sont motivés à modifier le leur en fonction de cette norme pour au moins deux raisons.

    Premièrement, ils supposent que l'information est transmise par la foule (peut-être que leurs pairs savent quelque chose qu'ils ne savent pas ?) ; deuxièmement, il est socialement inconfortable, voire ostracisant, de diverger de la foule.

    Les campagnes de marketing basées sur des normes sociales descriptives sont courantes.

  • L'étiquetage social

    Les identités sociales sont des affiliations avec un groupe social. Toute personne possède plusieurs identités. On peut s'identifier, par exemple, comme femme, comme leader, libéral, comme gymnaste, mère, etc.

    Les comportements scriptés conformes à une identité sont d'une pertinence particulière pour le contrôle de soi.

  • Rendre l'avenir plus facile à imaginer

    Une des causes de l'échec du contrôle de soi est l'incapacité de s'identifier à un soi futur. Les interventions qui rendent l'avenir plus facile à envisager se sont révélées prometteuses comme moyen d'accroître la maîtrise de soi.

  • Évaluation conjointe de deux options

    Les études en laboratoire suggèrent la possibilité d'améliorer les choix en présentant conjointement deux options à évaluer (p. ex. les options sont placées côte à côte sur un écran ou deux candidats ou plus sont considérés simultanément). L'évaluation conjointe encourage à considérer de façon réfléchie les coûts et les avantages de chaque option tandis que l'évaluation des options de façon isolée favorise des choix plus émotifs, instinctifs et impulsifs.

  • Le nouveau départ

    Il y a des moments prévisibles où les gens sont particulièrement motivés pour prendre des décisions autocontrôlées. Ces moments dits de nouveau départ facilitent l'atteinte d'objectifs à long terme parce qu'ils aident à se sentir déconnectés des échecs passés, ce qui rehausse l'image de soi et la confiance en soi.

  • Prévention de la permission d'indulgences

    La permission d'indulgence consiste à faire des choix plus indulgents dans le présent (p. ex. une tranche de gâteau au chocolat maintenant) parce qu'on prévoit faire des choix autocontrôlés dans l'avenir (p. ex. une salade demain) ou qu'on se rappelle avoir fait des choix autocontrôlés dans le passé (par ex. avoir fait de l'exercice).

Les interventions situationnelles typiquement déployées par les autres
  • Le paternalisme dur

    Le paternalisme dur englobe les interdictions, les licences, les pénalités, les taxes, les incitatifs et les frais - des politiques qui limitent l'autonomie individuelle en modifiant le calcul économique d'une décision. Le paternalisme doux, comprend les tentatives de changer « le comportement d'une manière prévisible sans interdire aucune option ou modifier de manière significative leurs incitations économiques ».

  • Les micro-environnements

    Les interventions portant sur les micro-environnements sont habituellement menées de façon discrète (c.-à-d. sans annonce publique). Il peut s'agir, par exemple, de l'emplacement de certains aliments dans les épiceries ou les cafétérias.

  • Le choix par défaut

    Dans de nombreux domaines, la passivité et la procrastination empêchent les gens de faire de bons choix, ce qui a été appelé le biais du statu quo. Lorsque l'inertie peut être un obstacle à la prise de décisions optimales, l'option par défaut (en l'absence d'un choix actif) revêt une importance particulière.

  • Le choix actif

    Les interventions de choix actif exigent que les gens fassent un choix affirmatif parmi un ensemble d'options, en indiquant explicitement celle qu'ils préfèrent. Les individus ne peuvent pas se soustraire à la prise de décision et sont donc forcés de réfléchir, au moins brièvement, à l'option qu'ils préfèrent, ce qui peut conduire à des choix plus raisonnés.

  • Le choix à l'avance

    Une autre stratégie qui encourage des décisions mieux autocontrôlées consiste à inciter à sélectionner un choix bien avant qu'il n'entre en vigueur.

  • Les interruptions prévues

    Intégrer des interruptions dans les environnements peut prévenir la consommation inattentive. (Par exemple, les petites portions individuelles d'aliments)

Dans un éditorial accompagnant l'article, George Loewenstein, du Department of Social and Decision Sciences de l'Université Carnegie Mellon, souligne qu'il ressort de l'analyse de la littérature que les meilleures politiques de lutte contre des problèmes tels que l'obésité et la sous-épargne ne sont pas celles qui favorisent le contrôle de soi, mais celles qui en éliminent le besoin.

Pour plus d'informations, voyez les liens plus bas.

(1) Katherine L. Milkman, David Laibson.

Psychomédia avec sources : Psychological Science in the Public Interest, Association for Psychologial Science.
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